Atelier du 18 décembre 2021

samedi 15 janvier 2022, par Caroline Lanos

Animé par Gilles

Les lumières de Noël

Nous sommes à J-7 d’un événement célébré. A cette époque de l’année, notamment en Europe, la lumière et les couleurs jouent un grand rôle au cœur de l’hiver froid et sombre.

Distribution de mots puis remplacement si les écrivains le souhaitent.
1 – Étoile 2 – Guirlande 3 – Bougie 4 – Joyeux 5 – Illumination 6 – Cheminée
7 – Sapin 8 – Décoration 9 – Neige 10 – Confetti 11 – Brillant 12 – Paillette 13 – Rouge 14 – Vert 15 – Orange 16 – Réjouissance 17 – Pétillant 18 – Cotillon 19 – Lampion 20 – Feu

Premier exercice : Le logo-rallye (jeu littéraire inventé par Raymond Queneau) avec 5 mots issue de la liste (en utilisant un dé). Tirage au sort avec un dé de 20 faces.
Rédiger un petit texte libre (5-7 lignes) qui utilise les 5 mots tirés aléatoirement.

Lecture du texte de D. Pennac (après distribution) (5-7 min) Morceaux choisis de « Au bonheur des ogres » (Daniel Pennac, 1985)
Nous sommes le 24 décembre, il est seize heures quinze, le magasin est bourré. Une foule épaisse de clients écrasés de cadeaux obstrue les allées. Un glacier qui s’écoule imperceptiblement, dans une sombre nervosité. Sourires crispés, sueur luisante, injures sourdes, regards haineux, hurlements terrifiés des enfants happés par des pères Noël hydrophile.
- N’aie pas peur, chérie, c’est le Père Noël !
Flashes.
Par la baie vitrée, je plonge mon regard dans le maelström du magasin. Un cœur impitoyable pulse des globules supplémentaires dans les artères bouchées. L’humanité entière me paraît ramper sous un gigantesque paquet cadeau. De jolis ballon translucides montent sans discontinuer du rayon des jouets pour s’agglutiner là-haut, contre la verrière dépolie. La lumière du jour filtre à travers des grappes multicolores. C’est beau.
Puis, cela monte du ventre du magasin.
C’est une explosion sourde. Suivie de hurlements.
J’écrase mon nez contre la baie vitrée. D’abord, je ne vois rien. Soufflés par l’explosion, deux ou trois mille ballons me cache le magasin. C’est en remontant lentement vers la lumière qu’ils me dévoilent ce que j’aurais préféré ne pas voir.
La panique des clients est totale. Ils cherchent tous une sortie. Les plus costauds marchent sur les plus faibles. Un grand type à veste violette est jeté à travers une vitrine de cosmétiques. Le magasin n’est qu’un seul hurlement. Un haut-parleur tente de ramener le calme. Un vaporisateur en plein ouragan. En bas, c’est la guerre. Là-haut, les ballons ont retrouvé leur transparence. Toute cette scène de terreur baigne dans une lumière rosée d’une rare douceur.
Et puis, ça se calme. Ça se calme, parce que malgré tout, il ne se passe rien. Quelque chose a explosé quelque part et rien n’a suivi. Alors, ça se calme… Un joyeux Noël !

Rédaction d’un texte avec consigne : Imaginer une histoire dans un lieu fréquenté par de la foule. Le texte débutera par « Nous sommes le 24 décembre, il est… xxhyy » et votre dernière phrase contiendra « Joyeux Noël ».
Après 15 minutes, première surprise de Noël – A la fin de votre phrase, vous commencerez votre nouvelle phrase par « Du plus profond de la terre, un grondement... ».
Après 25 minutes, seconde surprise de Noël - A la fin votre phrase, la nouvelle phrase commencera par « Mais finalement, ce n’était rien... ».

Mots choisis : Etoile-guirlande-confetti-réjouissance-feu

1er texte :
Deux petites mains sales s’accrochent au grillage-guirlande dans le camp de Lampedusa. L’enfant orphelin lève, vers les poussières d’étoiles qui scintillent dans le ciel, un visage épuisé, éperdu de larmes. Elles jaillissent en gifles de feu de son petit corps-confetti, écrasé, étouffé, annulé, sidéré, parmi la masse de migrants africains encore dans la réjouissance blafarde de n’être pas morts pendant la traversée infernale de la Méditerranée déchaînée.

2ème texte :
Nous sommes le 24 décembre, il est 19 heures porte de la Chapelle. Les réfugiés en attente d’asile se regroupent aux abords de leur camp de fortune insalubre. Calmes, anéantis par la fatigue, la maladie, la faim, la crasse. Ils sont quatre cents dans ce qu’on appelle « un camp humanitaire d’accueil ». Ouvert dans la précipitation de l’extrême pauvreté, le camp est clôt, bien ordonné en apparence et fortifié de grillage. Tout est de « camp », les tentes, les lits, la vaisselle, l’eau en ration, les hommes, les femmes, les enfants, les feux. On pense concentration.
Ce soir, c’est Noël. La veille, on a annoncé une distribution de bûches vers 20 heures, là où sont installés les aide-de-camp. Alors lentement, sans sourire et sans se réjouir, tout le camp s’est levé et en file indienne il se rend lourdement, automatiquement vers la distribution, distribuée pour les uns ou les autres, à l’autre bout du « camp ».
« Joyeux Noël » leur dit-on en les servant. Ils baissent la tête devant l’humiliation cinglante que claque le mot « joyeux » sur leurs âmes dévastés. Ils ne pleurent pas, ils n’ont plus de larmes.
Du plus profond de la terre, un grondement, un bruit sourd fait trembler les corps émaciés de la foule imperturbable. Elle fait demi-tour et s’en va vers les tentes blanches dans la nuit noire, les mains douloureusement chargées d’une boite à gâteau. La Terre leur parle-t-elle, les soutient-elle depuis son manteau supérieur ? Un appel vivant des profondeurs. Ils écoutent, les réfugiés, ce récit d’un voyage au plus lointain des entrailles du monde accessible. Vacarme dans leur tête. Ne sont-ils pas tous dans la fosse la plus profonde qui existe ? La nuit qui vient est nuit de mystère et chacun ira peut-être encore de son interprétation.
Mais finalement ce n’était rien de plus que d’habitude. La ligne 12 du métro passe sous le « camp humanitaire d’accueil » de ce dix-huitième arrondissement en plein renouveau.
Ce soir les décorations de Noël scintillent et clignotent aux alentours étirant les ombres à l’infini sur lesquelles se posent des pieds squelettiques et fatigués.
Attendre. Tenir debout.
Demain, à l’aube, comme les autres jours, ils regarderont la lumière fragile du dehors.

JM

1er texte :
Le sapin est pétillant d’illuminations colorées, ça sent bon l’orange, les cotillons sont prêts. Le vieil homme dans son fauteuil attend. Il espère un miracle comme chaque année à cette époque : voir arriver ses enfants, ses petits-enfants. Ils vivent bien loin de l’Ehpad essaie-t-il de se consoler. Pour lui le sapin a de pâles illuminations, la senteur des oranges a un goût amer et il n’a que faire des cotillons qu’il trouve ridicules. Noël pour lui est une sombre époque, la lumière des jours heureux est bien loin, elle aussi.

2ème texte :
Nous sommes le 24 décembre, il est 14h42" le terminal est plein à craquer. En fond sonore tous les classiques des chants de Noël se déversent en boucle, le brouhaha de la foule les couvre à peine. Des étoiles pendues au plafond dansent mollement sous l’air conditionné. Des sapins surchargés de décorations oscillent sous l’assaut des enfants qui trouvent le temps long et s’occupent comme ils peuvent.
Des familles entières sont arrivées par la dernière navette. En file indienne elles attendent de subir les contrôles obligatoires : examen médical, prise de sang, de température, questionnaire interminable, distribution de prospectus concernant les recommandations sanitaires à lire et à signer. Ces gens ne sont pas près de retrouver ceux qu’ils sont venus voir ! Du plus profond du sol, un grondement surprend la foule qui fait soudain silence, même les enfants se taisent et s’immobilisent. Le sol du terminal tremble. Des haut-parleurs, une voix grave se fait entendre : " Pas de danger, restez calme, ce n’est que le départ d’une fusée pour la Lune"
Les conversations reprennent, finalement ce n’était rien les gens sont soulagés et ont hâte de retrouver les leurs, de visiter les installations, de regarder la terre et les étoiles par les immenses hublots.
– Dommage, dit un ado, j’aurais bien aimé me balader à l’extérieur."
– Déjà tu as la chance de passer Noël sur Mars, alors arrête de te plaindre lui dit son père un peu excédé par cet adolescent bougon.
Une femme arrive, prend l’adolescent surpris à bras le corps et lui crie : " Joyeux Noël ! "
Françoise G.

Nous sommes le 24 décembre, il est 14h42 précisément. Comme à mon habitude, c’est à ce moment que je commence à acheter les cadeaux de Noël. Malheureusement, je ne suis pas la seule à avoir ce vice. Il y a du monde partout, que ce soit dans les rues, mais aussi dans les magasins. C’est à peine si je dois rentrer le ventre pour me frayer un chemin dans le magasin de jouets. Où est ce déguisement tant souhaité par mon petit cousin ? Je me rends compte que je ne sais même pas quelle taille prendre. Heureusement que sa mère est collée 24h/24 à son téléphone, elle me répond dans la minute qui suit. Ensuite, au lieu de jouer à Où est Charlie ? c’est à Où est Mario ? que je joue. En effet, sur la liste de Noël il n’a inscrit que des cadeaux en rapport avec Mario : Mario Odyssey le jeu switch, le déguisement de Mario etc. Il est impossible de parler à un vendeur, car évidemment ils sont déjà occupés avec d’autres clients. Je scrute chaque rayon, mais je ne le trouve pas. Puis, vient le dernier rayon, je finis par le voir, je suis à deux mètres du déguisement, je m’élance dans un sprint grandement ralenti par la foule et là c’est le drame, je vois une femme qui prend le dernier. Je fais un grand bond, j’ai l’impression que le temps ralentit et je crie : « Nooooooon » en essayant d’attraper le déguisement. La femme me répond : « eh ben si ! » et elle ajoute « n’oubliez pas que le premier arrivé est le premier servi ». Je boue à l’intérieur et m’efforce de ne surtout pas ouvrir la bouche, il pourrait en sortir des noms d’oiseaux. Du plus profond de la terre, un grondement se fait entendre. En fait non, c’est le ma gorge dont il provient. Je me ressaisis et j’attends derrière d’autres clients afin de parler à un vendeur. Une idée me vient : peut-être qu’ils en ont encore en stock. Je patiente sept longues minutes qui me paraissent in-ter-mi-nables. Tout ça pour entendre « non, nous n’en avons pas en stock, bon courage ». Résignée, frustrée, je sors du magasin.
En pianotant sur mon smartphone, je m’aperçois que je peux l’acheter en ligne et le récupérer en drive. Mais finalement ce n’était rien de si difficile. Quelle idée d’aller dans les magasins bondés. Je réussis à en acheter un, je fais 50 km pour aller le récupérer. La taille correspond, c’est bien le déguisement de Mario. J’achète du papier pour l’emballer. Je l’emballe à ma manière, de toute façon mon petit cousin va le déchirer en deux secondes. Il est 19h je suis déjà censée être au repas de Noël, j’arrive 1h en retard comme d’habitude, aucun de mes proches ne se garde de me charrier ou de me faire une réflexion comme tous les ans. Ce serait dommage de changer les bonnes vieilles habitudes. Minuit sonne, le jeune garçon trépigne d’impatience, il ouvre un à un ses cadeaux à la vitesse de la lumière. Tout à coup, je m’aperçois que quelqu’un d’autre a eu la brillante idée de choisir le même cadeau que moi. Dépitée je leur dis : « Joyeux Noël (…) je vais me coucher ».

Laetitia