Jeudi 9 Décembre 2021

mardi 21 décembre 2021, par Jacqueline Mottais

Conversations littéraires dans les Salons de L’Audace

« A chaque instant l’être recommence. » Nietzsche

Ce soir du 9 du dernier mois d’une année tumultueuse, il y a autour de la table en bois blanchi, Yves, Fred, Nelly, Stef, Antoinette et moi qui prends des notes en vrac et à toute allure sur un carnet destiné à la musique, de fort belle prestance, mais pas du tout adapté à la circonstance.

Yvon glisse sous mon stylo, la liste des romans présélectionnés pour le prix de la Médiathèque. On retient celui de Fabienne Juhel, « Le festin des hyènes » aux Editions du Rouergue. Elle nous emmène au Malawi : Elia, parce qu’elle a son premier sang, est soumise au rite sexuel selon lequel, les vierges sont déflorées par des hommes qu’on appelle des hyènes. Un livre en trois parties, un beau récit malgré la violence d’une tradition décrite qui existe toujours.

Erri de Luca est un écrivain napolitain. Le tour de l’oie est un récit autobiographique, politico-poétique. C’est simple, c’est profond, sobre et modeste : dialogue nocturne avec le fils qu’il n’a pas eu.
Du même auteur, Le poids du papillon. Une ode à la nature, la rencontre d’un chasseur-braconnier et d’un chamois à la puissance exceptionnelle, face à eux, la délicatesse fragile d’un papillon.
Antoinette évoque aussi, Metin Arditi et L’enfant qui mesurait le monde, un enfant autiste dans un bel hommage à la Grèce. Aux Editions Grasset.

ZADIG. Une mine ! Un titre qui ne doit rien au hasard, nous renvoie vers Voltaire et les mésaventures de son héros babylonien ZADIG qui signifie « le Véridique ».
Eric Fotorino, le directeur, du magazine, propose, des reportages, des réflexions, des interviews d’écrivains engagés ou de personnalités politiques, des échappées littéraires, sillonnant toutes « les France », qui racontent la France. Aucune publicité. Un magazine trimestriel chic et un peu cher mais libre d’écrire des histoires « véridiques ». Ce numéro 8, fait « le tour de notre assiette ». Comment mieux manger depuis que les contraintes du premier confinement nous ont ramenés à des priorités. Belles rencontres avec Christiane Taubira, Cécile Coulon et Carole Martinez pour ne citer qu’elles, à travers les illustrations délicates de Catherine Meurisse et Clément Toby.

On a parlé aussi de Flaubert dont c’est l’anniversaire de la naissance, de la chronique de Clara Dupont-Monod sur France-Inter, puis, on est parti à Molenbeek retrouver l’Antigone de Stefan Hertmans. Elle se nomme Nouria. Son frère radicalisé combat aux côtés de Daesh et périt dans un attentat suicide. La jeune fille tente tout pour récupérer les restes du corps de son frère. Une figure mythologique transposée dans la société actuelle, aux Editions De Besige . Pièce de théâtre à la mise en scène impressionnante, explique Fred, très épurée, violons et violoncelles, écrans blancs en miroirs. Une réécriture contemporaine de l’Antigone de Sophocle qui veut, elle aussi, enterrer son frère.
Jusqu’où va notre humanité ? Dans quelle mesure doit-on obéir à un ordre s’il nous apparaît injuste, voire immoral ? Des questions intemporelles que posent les deux tragédies à des millénaires d’écart.

Dans les décors magiques et rutilants d’une fin d’année qui s’annonce, la soirée fut belle, oublieuse de virus, passionnante et riche de lectures échangées, ambrée de bières blanches citronnées dont l’une d’elle eut, par mégarde et joyeusement, le goût sucré du Chardonnay.

Que cette fin d’année vous soit douce et sereine, qu’elle fasse que nous nous retrouvions le jeudi 13 janvier 2022 . Même endroit, même heure.
D’ici là, belles lectures à toutes et tous.

JM