Atelier du 3 décembre

jeudi 3 décembre 2020, par Caroline Lanos

Consigne d’Antoinette

ÉMIGRÉS

Ils déménagent tout le ciel bleu, en chiffons dans leurs malles d’osier
Les allers-retours de leurs rêves.
Et le gros édredon de laine, bourré comme un nuage qui va pleuvoir

Le ventre rond de la femme bouge.
La terre tourne un peu dans ses yeux

Ils ne disent rien, ne vont nulle part
Ils s’asseyent ou restent debout au coin de la rue, serrés les uns contre les autres.

Jean-Michel Maulpoix
Poème inédit, Edition Printemps des Poètes

Il est aussi, nous dit ce poème, des voyages qui ne mènent nulle part et - ou - sont empreints de douleur.
Evoquez à votre tour un voyage qui, quels qu’en soient la raison ou le degré, sera une épreuve.


TEXTES

Il s’agit d’un chemin et d’une adolescente

« Dès le départ , j’ai eu le sentiment de me fourvoyer, de faire fausse route. Pourtant je ne me suis pas sentie tout de suite dépaysée. Je connaissais bien cette forêt. Elle ne m’avait jamais paru profonde et sans issue. Je la parcourais avec mon père, les soirs de chasse aux pigeons et j’avais le sentiment, avec lui, de connaître toutes les mottes de terre, tout les grand peupliers, toutes les pierres qui balisaient les sentiers. Choses inanimées de la nature. Précieux repaires.
Ce soir-là , mon père était parti en avant. Il me restait à le rejoindre. Le soir tombait. Entre chien et loup. Là, le bloc de granit. Là, l’arbre mort couché en travers du sentier. Il fallait l’enjamber. Tout le décor habituel était bien en place.
Pourtant quelque chose n’allait pas. Subitement je me suis sentie intranquille, inquiète, perdue dans la pénombre. Je n’entendais aucun coup de fusil qui m’aurait confortée dans mon cheminement. J’appelais mon père. Rien. Face à moi que l’espace touffu des arbres enchevêtrés. Auraient-ils détourné leur but ? Se réveilleraient-ils à l’heure où nous dormons ? La forêt avait-elle décider de m’avaler ? Le soleil avait totalement disparu. Mon père n’apparaissait d’aucun des sentiers qui s’entrecroisaient couverts de feuilles mortes tombées des chênes et des châtaigniers
J’étais perdue. Le nuit noire me faisait frissonner. Je ne savais que faire et n’osait plus bouger. Mon coeur battait fort. Les bruits, les battements d’ailes, les craquements de branches, les halètements des arbres… La respiration prolongée des taillis. Tout faisait lien contre moi.
Comment avais-je bien pu me perdre ? Parcourir cette forêt faisait partie de mes bonheurs. La nature était à moi. Je me confondais en elle.
Je décidais de ne plus bouger terrorisée et tremblante.
Un voyage. Un bien petit voyage s’était transformé en épreuve.
Il ne manquait plus que le loup.
Le lendemain, j’ai compris que ma plus belle expérience s’était cachée derrière mes peurs. »

Jacqueline