Atelier du 26 novembre

vendredi 27 novembre 2020, par Caroline Lanos

Consigne d’Antoinette

1) Imaginez et présentez un personnage qu’on puisse définir comme un voyageur, bien qu’il ne parte jamais.

2) Votre personnage passe parfois la journée dans un aéroport ou une gare (ferrovière ou maritime). C’est le cas aujourd’hui. Racontez ce voyage.


TEXTES

Comme tous les jours il est là, assis sur un banc dans la Gare Montparnasse. Avec sa barbe poivre et sel, son pull irlandais à col roulé, ses cheveux grisonnants un peu trop longs, sa parqua défraîchie et son sac à dos, on pourrait le prendre pour un marin en escale.
Il arrive le matin vers 7h 30. Il va acheter son journal, s’installe sur le même banc. Il ne le lit pas tout de suite. S’ il arrive à cette heure-là c’est pour observer tous ces voyageurs qui, d’un pas pressé, traînant leurs bagages, se précipitent vers les voies. Il ne les envie pas, intérieurement il leur souhaite bon voyage. Et puis il ferme les yeux et écoute les annonces :
« Le TGV 864 pour Brest entre en gare, il partira voie 3 à 7h45 ».
Dans sa tête il se répète les destinations : Brest, Nantes, Rennes...
Sans y réfléchir des images-souvenirs les accompagnent :
Les abers sauvages, les petites rues du centre ville, le Parlement...

Le voilà parti dans son passé. Il choisit une destination. Aujourd’hui ce sera Brest puisque c ’est ce qu’annonce en premier le haut-parleur ce matin. Il s’amuse à s’imaginer devant la gare et commence sa promenade. Il connaît bien la ville, il y a séjourné autrefois. Mais ce n’est pas la ville ni le port qui l’intéresse aujourd’hui. Il a envie d’embruns, du goût de la mer. Alors il visualise un aber son préféré : l’Aber Wrac’h. A cette époque de l’année, pas de touristes, il a pour lui seul tout le grandiose paysage. Il profite. Il escalade, il saute d’un rocher à l’autre. Il voit de nouveau la mer aller et venir laissant des flaques où il découvre un crabe, un alevin. Il foule la lande d’un pas sûr et laisse le vent ébouriffer. Il emplit ses poumons de l’odeur iodée du goémon.

Si quelqu’un avait pris le temps de s’arrêter et de le regarder, il aurait vu cet homme sourire et respirer profondément les yeux fermés ; puis avec un soupir de satisfaction , rouvrir les yeux, déplier son journal et en entreprendre la lecture.

A 8h 30, il dépose son journal sur le banc à côté de lui, se lève avec difficulté, prend sa canne et part en boitillant, petits pas après petits pas vers la sortie.

Françoise


Il est là comme une ombre. Il est là. Toujours. Quelque soit l’heure de l’écluse. Il est là. Debout derrière les grilles. Un chapeau noir cache en partie son visage éclairé d’un côté par les lampadaires du port. Il porte des baskets sur lesquels plisse un pantalon trop long. Un manteau râpé le protège du froid de la nuit ou du matin quand les marées sont de ces heures là. Près de lui, un sac de voyage qu’il a posé par terre, qui semble remplit. Ses deux mains s’accrochent au grillage protecteur d’une chute.
De tout son regard, il avale ce matin, les voiliers dans l’écluse du Naye .

J’aime voir écluser dans le port de Saint Malo. Regarder les bancs de nuages s’amonceler au large. Entendre les sirènes, voir larguer ou amarrer les bouts, et se remplir le sas.

Cet homme là est toujours là. Au même endroit. Accroché de ses deux mains au grillage. Orphelin d’un voyage réel.Il cherche le sens du départ, sans arrivée, sans retour. Il trouve le vertige de l’ailleurs. Un autre air souffle sous son chapeau sombre, sur son corps de rêveur, un air de poésie fraîche dans un ciel d’un bonheur éternel. Le voyage se fera autrement alors que le jour se lèvera ou que tombera la nuit. Tous ses sens en alerte. Voyageur qui attend son heure qui prend des routes de traverse, qui remplit ses oreilles d’explorations majestueusement rêvées. Bateaux du soleil. Bateaux du commerce , arrivée du Belem ou de l’Etoile du Roy, Route du Rhum, cargo, chimiquier.
Le voyageur immobile s’accroche à tout ce qui traverse l’écluse comme il est accroché aux grillage qui longe le bassin.
Les portes s’ouvrent, les amarres se détachent.
Je ne lui demanderai pas son nom. Je ne dirai rien. Quand je reviendrai, il sera là.
Nos rêves ? sur le quai de l’écluse du Naye , se partagent dans le silence.

Jacqueline