Ecrire

mercredi 7 janvier 2015, par Frannette Gotier

Ecrire. Ecrire pour obéir au besoin que j’en ai.
Ecrire pour apprendre à écrire. Apprendre à parler.
Ecrire pour ne plus avoir peur.
Ecrire pour ne pas vivre dans l’ignorance.
Ecrire pour panser mes blessures. Ne pas rester prisonnier de ce qui a fracturé mon enfance.
Ecrire pour me parcourir, me découvrir. Me révéler à moi-même.
Ecrire pour déraciner la haine de soi. Apprendre à m’aimer.
Ecrire pour surmonter mes inhibitions, me dégager de mes entraves.
Ecrire pour déterrer ma voix.
Ecrire pour me clarifier, me mettre en ordre, m’unifier.
Ecrire pour épurer mon œil de ce qui conditionnait sa vision.
Ecrire pour conquérir ce qui m’a été donné.
Ecrire pour faire droit à l’instance morale qui m’habite.
Ecrire pour retrouver – par-delà la lucidité conquise- une naïveté, une spontanéité, une transparence.
Ecrire pour agrandir mon espace intérieur. M’y mouvoir avec toujours plus de liberté.
Ecrire pour produire la lumière dont j’ai besoin.
Ecrire pour m’inventer, me créer, me faire exister.
Ecrire pour soustraire des instants de vie à l’érosion du temps.
Ecrire pour devenir plus fluide. Pour apprendre à mourir au terme de chaque instant. Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour.
Ecrire pour donner sens à ma vie. Pour éviter qu’elle ne devienne comme une terre en friche.
Ecrire pour affirmer certaines valeurs face aux égarements d’une société malade.
Ecrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de le révéler à lui-même. De l’aider à se connaître et à cheminer.
Ecrire pour mieux vivre. Mieux participer à la vie. Apprendre à mieux aimer.
Ecrire pour que me soient donnés ces instants de félicité où le temps se fracture, et où, enfoui dans la source, j’accède à l’intemporel, l’impérissable, le sans limite.

Charles Juliet, in « Il fait un temps de poème ».
Textes réunis et présentés par Yvon le Men, Filigranes, 1996.
Editions Filigranes, 1996.