Texte de Roselyne

mercredi 12 avril 2017, par Webmestre

Le carrefour
Il est assis depuis un bon moment seul devant un café, il a choisi une table devant la grande baie vitrée qui surplombe le carrefour, il s’est installé de façon à avoir une vue dedans, sur la salle et dehors, son regard passe de l’un à l’autre sans vraiment s’arrêter, il n’est pas curieux, il veut juste voir du monde. Un homme plutôt jeune l’a frôlé en passant, il a même semblé hésité un instant devant sa table, lui surtout n’a pas levé les yeux, pas question d’engager la conversation, le jeune homme s’est dirigé vers la sortie, il est grand et mince, un fil de fer un peu perdu dans un trench- coat d’une élégante couleur crème, il s’est arrêté sur le trottoir, indifférent à la foule qui le bouscule sans ménagement.
De son poste d’observation, lui ne le quitte pas du regard, il ne saurait pas dire pourquoi mais il est fasciné par ce jeune homme aux cheveux argentés, il sent qu’il a fait une erreur, il aurait dû lever les yeux, croiser son regard, peut-être même parler, dire quelque chose, n’importe quoi, ou bien l’inviter à s’asseoir, l’écouter, oui c’est ça, il devait être désespéré, il avait besoin de se confier précisément à un inconnu et par hasard c’est lui qu’il avait choisi pour alléger son fardeau, déballer ce qu’il avait sur le cœur, il attendait un conseil, une main tendue, un sourire aurait suffit pour lui redonner confiance, l’empêcher de faire une bêtise. l’homme bien calé sur sa chaise suçote sa lèvre inférieure dubitatif, il hésite, il a toujours dans sa ligne de mire la haute silhouette immobile qui dans un instant va certainement s’élancer au devant d’une voiture, d’un camion ou d’un bus et mettre ainsi fin à ses jours, il devrait se lever, rejoindre le jeune homme, lui mettre une main sur l’épaule et lui dire... mais lui dire quoi, il regarde le fond de sa tasse en veine d’inspiration, un horrible coup de frein le fait bondir, le trench-coat couleur crème a disparu, l’homme se rue dehors, il court, son cœur bat la chamade, il pousse avec violence ces gens qui l’empêchent de voir, il s’élance dans le carrefour, il n’a pas vu le petit bolide rouge qui le percute de plein fouet.
L’ homme au cheveu argent écrase la cigarette qu’il vient de terminer, souriant il fait sauter dans sa main le briquet qu’il a subtilisé en passant sur une table du café puis il s’éloigne à l’opposé du carrefour.
Roselyne