Textes de Jacqueline M

vendredi 3 mars 2017, par Webmestre

Atelier d’écriture du 18 et 19 février 2017

Chênedet, samedi 18, 14 heures. Auteur, Eric Pessan. Lecture des œuvres de PESSAN. Totalement inconnu pour moi.
Ecriture au bout d’une heure et demie de lecture . A partir de La nuit du second tour. « Il y a le feu sur le Terre... »

Il y a le feu sur Terre.

le long d’une rue, une foule en masse agglutinée, applaudit, agite aux bouts de ses bras levés des drapeaux étoilés . Une longue limousine américaine roule en convoi présidentiel dans une avenue de Dallas. Au Texas. Plusieurs coups de feu claquent. Un homme, à l’arrière de la voiture, s’effondre. Une femme escalade les sièges à quatre pattes . Instinct de survie. Porte un tailleur rose et un chapeau assorti. Plus tard, on dira, un tailleur Chanel.
Des sirènes retentissent. Peut être.

pendant ce temps, le 23 novembre 1963 à 7 heures 30, dans le réfectoire d’un collège breton : la directrice entre. C’est inhabituel. Les élèves surprises et inquiètes se taisent, se figent. Des mains se suspendent au dessus des bols de lait ou de chocolat fumants. La directrice reste debout. Longtemps. Elle ne parle pas. Le silence se prolonge , se tend, s’alourdit.

au fond du réfectoire, la pionne de surveillance tremble. Echange de regards intenses, interrogateurs, douloureux. Un possible drame dans des yeux, égarés, désespérés. L’ampleur d’une catastrophe qui ne s’annonce pas. La directrice cherche les mots à dire aux filles innocentes. Des Mots-Monde à la mesure de l’assassinat qui vient de mettre le feu sur Terre.

à des milliers de kilomètres de là, en horaires décalés, devant la fenêtre d’un immeuble haut de plusieurs étages, un tireur respire à fond, remballe son fusil à lunettes, entreprend une descente vers la rue qui hurle épouvantée, s’enfuit ,
s’ éparpille, paniquée, échevelée.
Des drapeaux étoilés jonchent le sol. Peut être.
JM
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Dimanche 19 février 2017. le matin.10 h Lecture des livres de Valentine Goby.
14 h : Ecriture. A partir de la liste de mots relevés par chacun.

Déclencher-drap de soie-symétrie-bonnes bouilles-fourmillement-échoué-bouche-combinaison secrète-humus-mobiles blancs et lisses-boules d’algues mortes-peaux grises-gencives fondues.

« Il bruinait. Un léger coup de vent venu de l’ouest avait déclenché l’éclatement du nuage gris qu’elle voyait s’avancer au dessus de l’océan. Il avait peu à peu dessiné un plafond cotonneux, mal lavé, au- dessus de la plage.
Elle marchait contre le vent. Les cheveux découverts, le visage nu. La bruine déposait sur ses joues transies, sur son front, ses paupières, des caresses de drap de soie.
Elle pensa à ses jouets d’enfants. Aux draps soyeux et brillants qui recouvraient les poupées aux longs cils endormies dans des lits jumeaux. Meubles miniaturisés fabriqués sur commande chez un menuisier du quartier . Ils avaient fait la joie et la fierté des parents un matin de Noël au début des années 50. Les lits des filles étaient des lits jumeaux parfaitement semblables. Les lits des poupées étaient des lits jumeaux parfaitement semblables. Les poupées aux bonnes bouilles de porcelaine rosie étaient des poupées jumelles parfaitement semblables. Aucun fourmillement musculaire n’apparaitrait jamais sur leur corps inertes.
Les parents avaient-t-ils rêvé de filles jumelles ? Leur rêve avait échoué. Les filles avaient trois ans d’écart mais on s’efforçait à l’uniformité. La grande devait sembler la petite. La petite sembler la grande. Mêmes jupes plissées bleues marine à bretelles. Même chemisiers blancs à col Claudine, mêmes bouches aux lèvres fines, mêmes cheveux tressés noué au bout de rubans blancs. Donnez-vous la main disait toujours la mère. Etait-ce une combinaison secrète parentale pour que les deux fillettes se construisent sur un humus gémellaire de surface. Servaient-elles de mobiles blancs et lisses à leur mère qui les faisait tournoyer de l’une à l’autre dans leurs images confondues ?

Il bruinait. Elle marchait contre le vent, contre la pluie. Ses bottes-bateau écrasaient des boules d’algues mortes abandonnées par la marée. Elle ramassa les peaux grises des sachets plastiques qui entachaient le sable fin . Au loin, les des écueils en affleurement, avaleurs de coques navigatrices, offraient à l’écume blanche de l’océan déchaîné leurs noires gencives fondues. 
JM