Texte de Jacqueline M

mardi 24 janvier 2017, par Webmestre

Atelier du 14 janvier 2017. L’extraordinaire. Josiane

On commence par un cadavre exquis pour chauffer les plumes et les imaginations.
On écoute la complainte du progrès de Boris Vian.
On choisit un titre de livre et un mot ou un groupe de mots.
On écrit un texte humoristique.
Le meilleur gagnera un carambar !

Titre:Requiem pour une puce. Mot : Canon à patates.

Requiem pour une puce

Il était une fois une puce un peu bébête. Ne comprenait rien à son rôle de puce. Savait pas qu’il fallait qu’elle pique. Savait pas qu’il fallait qu’elle suce le sang, qu’elle était née pour ça avec un déterminisme effrayant. Piquer. Piquer tout le monde. Le chat. Le patron. La patronne. Les cuistots du resto de la place Carnot. La Mirza. C’était le chien qu’était à longueur de temps couché sur un pucier sous l’étal de boucher qu’ y avait dans la cuisine du resto de la place Carnot. Le patron, la patronne et les cuistots lui balançaient là dessous les gras de jambon et les os du pot au feu.
Dans le resto de la place Carnot la puce, un peu bébête avait une grande famille ! Un père puce, une mère puce et de milliers de milliards de frangins et de frangines, de cousins, de cousines, tous occupés à sauter sur le premier venu, à piquer tout le monde même les ouvriers qu’on appelait des pensionnaires et qu’arrivaient tous les midis à midi après l’boulot. Ils retrouvaient facilement leur place à cause de leur serviette de table à carreaux rouges et blancs nouées autour du col de leur bouteille de pinard. Habitués à se faire piquer, ils se grattaient tous tellement les jambes pendant l’ repas que c’en était triste à voir. Mais il leur était pas venu à l’idée de changer de resto. C’était comme ça  !S’trouvaient bien là.
Y avait donc qu’une puce qui ne piquait personne d’une part parce qu’elle avait pas tout compris mais surtout parce qu’elle rêvait d’un autre avenir plus romantique. Sauter d’une fleur à l’autre par exemple. Bouffer le sang de tout le monde, elle trouvait ça trop réducteur et un peu dégueulasse tout de même, il faut bien le dire.
T’ es hors sujet qu’on lui disait, tu peux pas tout le temps jouer à la bébête qui monte qui monte comme ça, c’est contre nature ! Arrête de faire ta gentille pupuce. Si tu refuses la Constitution on s’ra obligé de se débarrasser de toi à coup de 49-3. T’es un peu la brebis galeuse de la tribu, la honte de la dynastie des aptères au corps aplati latéralement. On va t’secouer ma puce, t’ coller dans un trou d’oreille, t’ vendre au marché aux puces ! Ma parole tu t’prends pour qui ? Un puceron, avec tes rêves de jolies fleurs !
Comme la puce ne se décidait pas à rentrer dans le rang et continuait à fronder, la situation devint intolérable. On réunit le conseil de famille sur le dos d’ la Mirza qui trouva que les puces exagéraient un peu quand même. Le verdict tomba. A l’unanimité, on vota la mort de la puce pour éviter le déshonneur de la troupe.
Un parasite est un parasite et doit le rester.
Dans la cuisine du resto de la place Carnot, y avait un canon à patates qui servait à l’épluchage et au découpage en frites des tubercules tous les vendredis, jours de marché aux vaches. Les marchands d’vaches c’est riche et ça mange des frites. O n voit l’ pognon qui déborde de leurs poches.
On plaça la puce ficelée dans l’oreille de la Mirza et la Mirza devant l’ canon. A trois, une patate partit du canon, écrabouilla la puce et étourdit le chien..
Dans la cuisine du Resto de la Place Carnot, on entendit alors comme un chant funèbre. Un Dies irae ou un Lacrimosa, qui s’éleva des poils du chat, de ceux du chien encore groggy, des jambes du patron, de la patronne, de celles de cuistots qui se grattaient l’dos et même de celles de pensionnaires qu’étaient attablés d’vant le m’nu du jour dans la salle à manger d’à côté.
A coup sûr c’était un requiem pour une puce !
JM