Texte de Jacqueline M.

lundi 7 mars 2016, par Webmestre

Le SDF et la campeuse

Il était une fois un SDF...
Il franchissait allégrement les frontières en suivant la route qui longeait la rivière longue de quelques kilomètres. Il suivait toujours la courbe du soleil et s’en allait plein ouest en traînant ses cartons orangés. L’héritage de son grand -père. Dans la famille, on était, de père en fils , SDF.
A la brune, que ce soit l’hiver ou l’été, il plantait sa maison pointue comme une toile de tente dans une jolie prairie. Il était bien dessous. Il vagabondait ainsi, par les monts et par les vaux, les vallées fleuries de fritillaires et de coquelicots, les sentiers tortueux pleins du chant des oiseaux.
Parfois, il chantait avec eux, « comme un p’tit coquelicot, pour n’aimer que ça faut être idiot ... » C’était la seule chanson qu’il connaissait et comme il n’avait pas la radio.... Sa tête dépassait toujours du carton-toile et il rêvait, à la montre gousset et au pendentif qu’une fille culottée lui avait piqués un soir d’égarement du côté des cités.
Mais, il s’en foutait. Pour lui, la vraie richesse c’était pas ça.

Il était une fois une campeuse....
qui n’aimait ni la foule ni le silence. Armée de sa toile de tente et de son transistor, elle franchissait rageusement les clôtures en suivant la route qui longeait la rivière longue de quelques kilomètres. Elle ne suivait jamais la courbe du soleil et s’en allait à l’aveuglette en traînant ses piquets. Un cadeau de sa grand-mère. Dans sa famille, on était campeuse de mères en filles. Tôt le matin, elle plantait sa toile dans une jolie prairie et s’asseyait à côté avec son transistor. Musique à fond. Là, au moins, elle était tranquille.
Pourtant, elle s’en foutait de la nature . Elle n’aimait pas les fleurs, npasles oiseaux, pas les rivières et balançait des coups de pieds dans les fritillaire et les graines de pavot qui s’envolaient au vent. Elle avait dans une poche de son short une montre gousset et un pendentif qu’elle avait piqué à un SDF ahuri qui s’était perdu avant-hier dans la cité. Avec ça, elle pourrait s’acheter deux ou trois grammes de coke et puis revenir ici, toute seule, écouter la musique des Eagles of death metal, loin du monde et de sa folie.

C’est alors que lui, le SDF, aperçut au bout d’un tunnel qui lui parut s’ouvrir sur un autre pays, une sorte de carton semblable au sien par sa couleur orangée. Assise dans l’herbe, une jeune fille. En attente et en short auprès d’un transistor.
Comme il n’avait pas même une miette de pain à se mettre sous la dent et qu’il avait un peu faim, oserait-il se diriger vers elle, la campeuse, qui lui renvoyait une image étrange qu’il pensa aussitôt être son double féminin ?
Un pressentiment réveilla sa méfiance. Il se sentit très mal à l’aise.
Fallait-il autre chose qu’un même décor pour se comprendre ?
JM