Atelier du 13 février

mardi 16 février 2021, par Caroline Lanos

Consigne proposée par Antoinette

1) Après avoir listé des mots ou expressions associés pour chacun spontanément à "février", écrire un acrostiche à partir du nom de ce mois (en respectant l’accent sur le premier e).

2) Retour au thème des traces, cette fois des traces "à l’envers" que sont, grâce à la mémoire, les signes annonciateurs.
Un petit tour donc dans février, sur les traces... du printemps.
Un récit, un poème, un dialogue… tout est possible.


TEXTES

Froideur
Éventuellement quelques rayons de soleil
Vent tempétueux sculptant la neige en d’improbables œuvres d’art
Rires des enfants joyeux qui façonnent la leur en un bonhomme éphémère
Infini du blanc dans la campagne gelée et silencieuse
Enfin les jours rallongent un peu
Rien n’empêchera le printemps d’arriver

On avait l’espoir d’un printemps précoce. On se souvenait encore de celui de l’an passé : radieux et chaud sous le confinement imposé. On se disait qu’importe un nouveau confinement si ça se passe comme l’année dernière. Les crocus étaient de sortie, le camélia boutonnait, les narcisses et les jonquilles montraient leurs premières feuilles ainsi que les tulipes.
On avait l’espoir de jours meilleurs. Les jours peu à peu rallongeaient, on allait pouvoir rentrer chez soi avant la nuit avant ce fameux « entre chien et loup » qui nous cache les piétons du bord de rue.
On avait l’espoir de ranger au fond des placards les grosses chaussettes, les bonnets et les écharpes de laine et pourquoi pas les masques inconfortables.

Et patatras ! La vague de froid est arrivée sans crier gare, la neige est tombée dru et le virus a muté. L’espoir s’est effondré. Ne nous en restent que les traces dissimulées.

Les pétales flétris des crocus dépassent à peine de la neige, les feuilles rabougries des narcisses et des jonquilles ne ressemblent plus à rien. Celles des tulipes ont disparu. Le couvre-feu nous oblige à rentrer au plus vite chez soi. Chaussettes, bonnets et écharpes sont restés accrochés aux patères.
On cherche les traces de cet espoir perdu dans tout le jardin. Traces infimes d’un printemps trop pressé par un hiver trop doux.
Mais tant que l’espoir laisse des traces même imperceptibles, continuons à chercher et trouver les petites traces qui donnent un peu de baume au cœur et à l’âme.

Françoise


Février enneigé
L’Écureuil surgit de nulle part
Vole de branche en branche
Ripe au détour d’un tronc
Interloqué, atterrit sur le tapis blanc
Enivré
Reprend sa course, se remplit les bajoues et rentre au nid.

Cet après-midi de février, la neige annoncée commence à tomber et je revois ma grand-mère m’appeler, son regard malicieux guettant ma réaction. Viens voir, vite, vite, les anges dans le ciel font une bataille de polochon. Je découvrais alors les petites plumes blanches virevoltantes avec émotion. Mon cœur battait la chamade et son enthousiasme me gagnait. Je ne me lassais pas de ce spectacle, les gros flocons se posaient doucement sur les herbes du jardin formant bientôt une collerette autour des perce-neige. Bientôt, le vert disparaissait et tout devenait blanc.
Aujourd’hui aussi, il neige sans discontinuer. Le tapis neigeux s’épaissit d’heure en heure. Seuls les narcisses se dressent encore et leurs boutons de fleurs jaunes augurent des floraisons à venir. Les mésanges, rouge-gorge, verdiers, chardonnerets élégants volètent de la mangeoire au camélia, de la mangeoire au cerisier, du poirier à la mangeoire, volètent, se posent, attendent leur tour, puis repartent, une graine de tournesol dans le bec pour la décortiquer vivement un peu plus loin. Certains d’entre eux, plus impatients que les autres, parcourent le sol en quête des graines éparpillées par leurs congénères. Leurs empreintes sur le tapis de neige immaculée forment des graphismes que j’essaie de décrypter. Là une flèche, là une lettre, là un poisson. Réminiscence de l’enfance, là encore.
Dans la jardinière, le feuillage des primevères disparait sous une pellicule de porcelaine, les fleurs rouges, violettes, bleues me rappellent un coffret de perles que j’avais eu à un certain Noël. Je songe à leurs cousines, les primevères sauvages qui paraîtront sur les talus, à l’arrivée du printemps, aux petits violettes de l’allée du parc encore endormies, aux pâquerettes qui bientôt apparaîtront dans la pelouse, aux crocus, iris, jonquilles. L’arc en ciel du printemps somnole encore.

Geneviève


Fantômes glacés dans les matins brumeux
Étiolés et grelottants, sans abris, miséreux,
Voyageurs de toutes les nuits citadines
Rôdent et tournent et virent sans ami qui câline .
Inexistants, ils déroulent des cartons aux pieds des cimetières.
Envoûtés, défaillants, camouflés aux coins des portes cochères ,
Ressassent et marmonnent à voix basse leurs rêves inaccessibles

TRACES PRINTANIÈRES

Fleurs (printemps)

Le ciel pleure ses larmes de neige
Elles tombent en gros flocons silencieux .

On est en févier, février c’est l’hiver.
Pourtant, le bonheur est dans le jardin. Vois-tu les crocus bleus, les crocus jaunes , les vertes feuilles des tulipes pointues, les touffes de muscaris, le fier camélia tout de rouge vêtu, les chatons frétillants du noisetier. Tu regardais avec moi ces traces en lignes de couleurs
Naïves annonceuses printanières venues de bien trop bonne heure.
Sous un soleil pâle, sous un soleil froid, on cherche les disparues.
Où êtes-vous camouflées fleurettes de mon coeur
Recouvertes de givre et de glaçons ,
Sous cet édredon blanc qui fond tout en douceur ?
Mais d’autres noctambules qui passaient par là,
Ont écrit sur la page blanche du jardin
Autant de marques laissant à déchiffrer où ils s’en sont allés ?
Traces d’avant en floralies étouffées, imaginées.
Traces d’après, écriture d’un monde nocturne insoupçonné.

Le ciel pleure ses larmes de neige
Elles tombent en gros flocons silencieux .

Jacqueline


FÉVRIER

Feu de l’amour
Émoi d’adolescence
Valentin et Valentine font
Razzia de gourmandises
Invitation à la danse
Effervescence des corps
Renouvellement permanent

Traces printanières En attente du printemps festif
Le perce-neige démonstratif
Fleurit dans la neige immaculée.
Le crocus panaché, promesse
Tout en divine sagesse
De nombreux jours ensoleillés.
La primevère aristocrate
Charmante et délicate
Affiche ses tendres couleurs
Pour battre l’hiver qui meurt.
Chaudement emmitouflée s’inviter à la flânerie
Par chemins enneigés voici les toiles d’araignée givrées
Et le goutte-à-goutte des stalactites glacées
Observer l’éveil de la nature endormie
Se dressent les feuilles touffues des jonquilles
Les arbustes arborent leurs chatons en pampilles
Tendre l’oreille aux roucoulades
Ne pas troubler la sérénade
Des amoureux de février
Ce serait vraiment grossier
Rentrons plutôt, c’est la chandeleur
Manger des crêpes jusqu’à pas d’heure.

Roselyne


Faire des crêpes comme il se doit
Éplucher les pommes d’hiver
Vers six heures quand le jour s’éteint
Rallumer le feu dans le poêle
Il fait bientôt chaud tout autour
Et l’on ouvre le livre patient
Roman épais où l’on s’oublie

Elle n’a plus que ça. Le rectangle de la fenêtre devant laquelle elle arrête son fauteuil dès son petit-déjeuner pris. Et chaque matin c’est une même attente fébrile de l’avènement du monde dans cet espace ami qui lui reste ouvert. Elle ne s’ennuie pas. Jamais.
D’ailleurs quel changement aujourd’hui. Elle devine la neige à la lumière si particulière qui pénètre le salon dès qu’elle a actionné l’interrupteur du volet. Et tout de suite le blanc la happe et l’enveloppe. Le jardin est une meringue qui a englouti le spectacle des derniers jours. Elle se dit qu’elle est bien attrapée, qu’elle a cru trop vite l’hiver en partance. Elle avait fait confiance aux primevères ouvertes, à la tête timide des jonquilles entre leurs fines feuilles dressées, au mimosa apporté par Lucienne dont le parfum têtu derrière elle nargue encore le sursaut mesquin de l’hiver.
Ce n’était pas les fleurs d’ailleurs qui comptaient le plus dans cette traque du printemps qu’elle avait entamée. Non. Ce qu’elle aimait surtout, c’était ouvrir la fenêtre et humer l’air. Il avait quelque chose de changé, il sentait autrement et il avait une sorte de vivacité légère qui déjà parlait d’avril. Ça oui, c’était un signe, comme les oiseaux qu’elle recommençait à entendre, comme le soleil levé avant elle et qui l’accompagnait plus longtemps le soir. Ce temps rendu à la lumière lui était précieux dans sa solitude immobile. Il ouvrait devant elle des mois de vie amplifiée.
Alors ce matin elle se contente de profiter du paysage enneigé, du silence. Un flocon sur le gâteau se dit-elle, un oubli de beauté que l’hiver répare avant de s’en aller tout à fait. Car il s’en va. Elle le sait. Et elle continue de croire aux marques des jours précédents, que la neige en fondant lui rendra.

Antoinette


Février samedi 13, 2021

Février fervente et folle farandole de mimosa
Éperdue, boules jaunes, coton organza
Verseau vert de tiges fines, douce Valentine
Raclette et crêpes Suzette coquine câline
Irrésistible pièce en main pour la chandeleur
Éblouissement des oiseaux siffleurs
Ravigotés par les bourgeons farceurs.

Traces et prémices de Printemps.

« Quand vous serez au milieu dans la grande vie paysanne. »
Un beau texte de Julos Beaucarne entendu et lu par une actrice invitée sur France Inter. Radio qui rythme les semaines qui passent , ponctue et donne sens aux traces du temps scandées sur les ondes.
On frôle des poussées de lumière qui gagnent sur les nuits trop longues encore.
Je ne suis pas issue de cette saison froide, hivernale. J’ai besoin de lumière. J’ai besoin de musique pour embarquer sur les notes, et voler sur les saisons grises. La musique s’élève et, j’en suis sûre, de nuage en nuage, saute et touche en plein cœur, comme ces flocons tombés jusque sur le sable blond.
J’ai oublié de les goûter. Sont-ils salés eux aussi ?
Pourtant des signes colorés, tels le mauve muscaris, le jaune jonquille saluent et relèvent le grisou des jardins éteints. Les petites fleurs trépignent déjà,
comme des gosses énervés à la veille des vacances.
Sous la neige, les robes vertes font figures pâles. Et pourtant tout s’y prépare en chuchotis comme pour un grand bal. On s’en fait une fête des jours et des jours à l’avance. Même si l’on sait qu’une journée de vingt-quatre heures d’hiver se déroule à l’identique sur sa sœur printanière.
« Quand vous serez au milieu dans la grande vie paysanne
(…)
Vous entendrez les feuilles
Tomber de vos arbres intérieurs
Vous entendrez la voix de la terre
Et le présent vous sautera aux yeux
Comme un écureuils qui plonge
Sur l’arbre de vie.
(….)
Vivez le peu que vous vivez dans la clarté. »

Stéphane.


Février revêt son manteau de crocus
Étire le jour, appelle les lueurs
Voit monter l’espoir du réchauffement des coeurs
Rit de l’hiver qui s’en va en sauts de puce
Irise le ciel, tombe le bonnet de laine
Entend le retour des oiseaux qui chantent Verlaine
Ricane de l’épaisse glace qui fondra au printemps

FÉVRIER

Février a froid dans son manteau blanc, pourtant le soleil fragile dépose sa lumière sur la neige qui brille de mille cristaux. Février tenace, promène ses dernières traces. Il est la fin et le début du changement qui se prépare.

Février coupe les souffles, fait sortir de la terre les perce-neiges, les crocus et le jasmin. Il tient dans sa main de beaux lendemains, il gomme les traces de la nuit, écarte le sombre pour faire de la place à l’éclaircie. Il présage les couleurs d’un matin aux merveilleuses senteurs. Il promet le bonheur qui viendra bientôt quand l’épine rose flamboiera dans le jardin. Il sent presque l’herbe coupée, la douceur du lever du jour, sa résistance à ne pas sombrer dans le noir.

Février panse tendrement les plaies de l’hiver, pense autrement, agrandit l’espace, le temps et les gens. Il entrevoit les sourires sur les visages, entend les verres s’entrechoquer sur les terrasses, sur l’herbe, sur le sable… Déjà, il pose sur les peaux libérées du tissu son air frêle, il embaume le chèvrefeuille et le lilas.

Parfois, Février hausse la voix, garde encore un peu d’hiver. Pourtant bientôt il s’en ira sans faire de vagues. Traces de Février diluées dans les traces de Mars.

Laurence