Atelier du 12 novembre

jeudi 12 novembre 2020, par Caroline Lanos

Consigne d’Antoinette

Continuons avec Baudelaire. « Le voyage » est le dernier poème des Fleurs du mal. Vous en avez ici les trois premières parties.

LE VOYAGE

À Maxime Du Camp,

Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D’autres, l’horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d’une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent
D’espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n’étant nulle part, peut être n’importe où !
Où l’Homme, dont jamais l’espérance n’est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix rententit sur le pont : « Ouvre l’oeil ! »
Une voix de la hune, ardente et folle, crie :
« Amour... gloire... bonheur ! » Enfer ! c’est un écueil !

Chaque îlot signalé par l’homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L’Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu’un récif aux clartés du matin.

O le pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d’Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?

Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l’air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

III

Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons.

Dites, qu’avez-vous vu ?
_____________________

Propositions d’écriture :

1- Caviardage
Obtenez un autre poème, toujours sur le thème du voyage, en barrant de noir celui de Baudelaire, en ne gardant donc que ce que vous choisissez de garder.

2- " Chaque îlot signalé par l’homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;"

En un texte de dix phrases simples, présenté comme une liste, fabriquez cet Eldorado auquel Baudelaire ne croit pas. La première phrase (et d’autres – ou toutes – si vous le souhaitez) commencera par « Il y a » ou « Il n’y a pas ».

_____________________________

TEXTES

LE VOYAGE

Amoureux de cartes et d’estampes,
le monde est grand à la clarté des lampes !
Nous partons,
Et nous allons,
Berçant notre infini sur le fini des mers.

Les uns, joyeux
D’autres
noyés dans les yeux d’une femme
tyrannique aux dangereux parfums.

Ils s’enivrent
D’espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace les mord, les soleils les cuivrent.

Mais les vrais voyageurs
Pour partir coeurs légers, semblables aux ballons,
disent toujours : Allons !

Ceux-là rêvent
De vastes voluptés, changeantes, inconnues.

II

La Curiosité fouette des soleils.

Singulière fortune
Et, n’étant nulle part, peut être n’importe où !
L’Homme,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme
« Ouvre l’oeil ! »
Une voix crie :
« Amour... gloire... bonheur ! »

Chaque îlot
Est un Eldorado
L’Imagination dresse
un récif aux clartés du matin.

O pauvre amoureux des pays chimériques !
inventeur d’Amériques

vieux vagabond,
Rêve, le nez en l’air, de brillants paradis ;
découvre une Capoue
où la chandelle illumine un taudis.

III

Étonnants voyageurs !
Nous lisons dans vos yeux
les écrins de vos riches mémoires.

Nous voulons voyager
pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons.

Dites, qu’avez-vous vu ?

ELDORADO

Il y a un carrosse tiré par six moutons volants
Il y a des marchés ornés de mille colonnes
Il y a une grande place pavée de pierreries
Il y a des fontaines d’eau de rose
Il y a une odeur de délicieuse cuisine
Il y a Cacambo qui parle Péruvien
Il y a le parfum du gérofle et de la cannelle
Il y a des liqueurs faites de canne à sucre
Il n’y a pas de cour de justice ni de parlement
Il n’y a pas de prisons, pas de codes, pas de rites
Il y a le palais des sciences remplis d’instruments mathématiques
Il y a des bains et des robes en tissu de colibris
Et vingt belle filles dans la garde royale

En souvenir de Candide ou l’Optimiste, conte philosophique de Voltaire paru en janvier 1759

Jacqueline.
_____________________

Pour l’enfant,
L’univers est égal
A la clarté des lampes !

Un matin nous partons,
Le coeur gros
Et nous allons,
sur le fini des mers :

une femme,
aux dangereux parfums

mord,
lentement la marque des baisers.
les voyageurs qui partent
coeurs légers, semblables aux ballons,

disent toujours : Allons !

Qui rêvent,
De vastes inconnues,
Et l’esprit n’a jamais su le nom !

II

imitons, la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ;
La Curiosité
Comme un Ange fouette des soleils.
le but se déplace,
peut être n’importe où !

trouver le repos
Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : « Ouvre l’oeil ! »

L’Imagination
trouve aux clartés du matin.
le pauvre amoureux
jeter à la mer,
Ce
mirage plus amer ?
le vieux vagabond,
Rêve, le nez en l’air, de brillants paradis ;

III

Étonnants voyageurs !
Nous lisons dans vos yeux profonds
vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d’astres
voyager
égayer

Vos souvenirs.
Dites, qu’avez-vous vu ?

Eldorado

Il y a bombance d’imagination et paradis perdus
Il y a des mirages, disparus au matin venu
Il n’y a que des inventeurs d’Eldorado
Il y a ces ivrognes beaux matelots
Il n’y a pas de brillants paradis
Il y a des lieux où l’on s’amollit
Il y a des taudis
Y a t il des rêves encore ?
Il y a de nobles histoires
Il y a de riches mémoires
Y a t il des échappées qui traversent les barreaux ?
Il y a les souvenirs qui voyagent
Il y a les paradis artificiels
Il y a ceux tendus sur une voile qui défilent dans nos boites crâniennes
Il n’y a plus que d’étonnants voyageurs !

Stéphane
_______________________

Le voyage 
Amoureux
Le cœur gros de désirs noyés,
Dans les yeux d’une femme la marque de baisers 
Voyageurs 
Cœurs légers semblables aux ballons
Ceux-là 
Rêvent de vastes voluptés inconnues 
Leur valse, comme un ange qui fouette des soleils 
L’homme
Est un trois mâts cherchant son icarie 
Une voix, l’oeil de la hune crie « Amour »
L’homme, Eldorado aux clartés du matin
Amoureux chimérique, Inventeur d’Amériques
Rêve, le nez en l’air de brillants paradis
Voyageurs 
Montrez vos mémoires-bijoux
Vos souvenirs-horizons.

A l’eldorado 
Il y a du beau, du bon, du merveilleux 
Il y a des îles, des eaux turquoises et du sable blanc
Il y a des sourires, de la bonne humeur et du bonheur
Il y a des tam-tams, des signaux de fumée et puis des mots aussi
Il y a des jardins où poussent en abondance des légumes 
Il y a des vergers qui regorgent de fruits savoureux 
Il y a de jaillissantes fontaines où chacun peut se ressourcer 
Il y a de la musique, des « Picasso » en herbe et de l’imagination 
Il y a des amoureux et des yeux qui brillent
L’eldorado, vraiment c’est mon pays de cocagne !

Roselyne 


1) caviardage

Pour l’enfant
L’univers est son appétit.
le monde est grand

Aux yeux du souvenir
Un matin nous partons,
Et nous allons,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux
quelques-uns,
noyés dans les yeux d’une femme,
aux dangereux parfums.

ils s’enivrent
D’espace de lumière
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir ; cœurs légers,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent : Allons !

Ceux-là
Qui rêvent,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !

Nous imitons, la toupie
Dans sa valse et ses bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente,
Comme un Ange cruel

Singulière fortune où le but se déplace,
peut être n’importe où !
Où l’Homme
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : « Ouvre l’œil ! »
Une voix de la hune crie :
Enfer ! c’est un écueil !
Chaque îlot signalé
Est un Eldorado ;
L’Imagination
Ne trouve qu’un récif.

O l’amoureux des pays chimériques !
Faut-il le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?

Tel le vagabond,
Rêve, le nez en l’air, de paradis ;
Son œil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

Étonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux
Montrez-nous les écrins de vos mémoires,
Ces bijoux merveilleux,

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l’ennui ,
Passer sur nos esprits,
Vos souvenirs

Dites, qu’avez-vous vu ?

2) mon Eldorado

Il y a une île entourée d’une mer chaude et peu profonde
Il y a de grands arbres plus que centenaires
Il y a une plage de sable blond jonchée de coquillages colorés et de cailloux scintillants
Il y a des palmiers et des cocotiers aux fruits succulents
Il y a quelques chats tendres et affectueux pour me tenir compagnie
Il y a un voilier ancré dans une petite crique pour naviguer de temps en temps vers d’autres îles
Il n’y a pas de bâtiments seulement une cabane pour m’abriter la nuit
Il n’y a pas le bruit des voitures, des camions
Il n’y a que le chants des oiseaux

Françoise