Atelier du 2 novembre

lundi 9 novembre 2020, par Caroline Lanos

Consigne de Stéphane

« Pour un automne pas comme les autres » 

Rechercher pour vous, quels seraient les confins de votre (prochain) voyage rêvé, imaginé, en préparation, vécu….

synonymes :

Bordure, Borne, Lisière, marches, extrémité, périphérie, fin, frontière, pourtour, proximité ….
Limite point partie extrême …

Enumération à partir de verbes de sensations , d’action, de réflexion 

en commençant ses phrases avec :
« J’ai vu … j’ai pensé…. connu, ressenti, aimé, détesté, appris, mangé, souri à…rejeté, ignoré, vécu.. etc..

et continuer ce début de phrases avec :
« parce que…, grâce à …, à cause de …, quand, comme, pour que…, puisque, à mesure que, bien que, 
à condition que, tellement que, une fois que… etc…

Inclure la phrase : 

«  Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude » 
écrivait Albert Camus en 1951 

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Je déteste les voyages.
Je déteste perdre mon clocher de vue par conséquent . Je me demande chaque jour comment j’ai réussi à faire celui-là.
Cela me paraît aussi invraisemblable qu’un rêve invraisemblable.
Arrivée là-bas après 11 000 kilomètres et 11 heures d’avion, je voulais remonter dans le premier venu, rentrer chez moi, retrouver ma maison, mon lit , mon jardin, mon clocher, planter tout le monde sur le tarmac de l ‘air-port Tan Son Nhat de Saïgon. Vous avez bien lu SAÎGON ; Hô Chi Minh Ville si vous préférez.
Vous voyez les confins ! L’Asie, le sud Viet Nam ! On m’a dit, alors que j’étais totalement paniquée, que je ne ferai pas demi-tour que c’était impossible et que j’en prenais pour quinze jours de vie asiatique !
J’avais promis cette virée à mon petit-fils en stage chez un importateur de produits européens et en souvenir des Indochinois réfugiés dans une villa de Haute Ville sur mer pendant la guerre d’Indochine . J’avais 7 ans. Ils m’avaient fascinée à travers une haie de troënes. J’avais pensé, un jour j’irais là-bas, voir l’autre côté du Monde.

Il était environ 21heures de l’autre côté du Monde.
Aller, on va manger dans un resto-palette , et demain matin marché de Ben Than dit Mat se voulant réconfortant . Je venais d’apprendre deux mots nouveaux embarquée dans le taxi May Lin .
Quand je ne suis pas avec vous, prenez toujours ces taxis-là sinon vous aller vous faire arnaquer !
Oh !Là !
J’ai vu les motor-bikes qui semblaient sans conducteur, rouler à flots sur les boulevards surchargés d’objets, d’animaux, d’enfants, de pack d’eau, de chaises, de poules encagées, de cochons, de bidons, de rouleaux de tissus, de pelotes de laines ensachées
Sidérée par le spectacle, j’ai pensé que désormais j’allais ouvrir bien grand mes yeux .
On descend du taxi.
Pour traverser, levez le bras droit ! C’est simple et ça marche, le tsunami de motor-bikes s’arrête net et nous laisse passer.
J’ ai compris toute de suite que les Vietnamiens, savaient prendre soin d’eux et aussi des autres dans un calme et une discipline étonnante. On klaxonne pour avertir pas pour agresser.
Le resto-palette ! C’ est là ! On ne sait pas bien où parce qu’on rentre dans une sorte de bâtiment , squatter par des cuisiniers, en attente de construction. Au sol des palettes comme celles que vous voyez en montagne derrière les grandes surfaces françaises. Les tables. Autour , des bouts de palettes, les sièges . Si !
On s’assoit. Que faire des genoux ? Une fois qu’on a trouvé une position à peu près stable les colocs passe commande en Vietnamien. J’en reste bouche bée et j’ai oublié de vous dire que ces filles et garçons qui sont venus nous accueillir, drapeau breton sur le dos, vivent en colocation. Ils se disent « expats » pour une durée illimitée. Au gré du travail trouvé. Entre deux treaks dans la jungle voisine, cambodgienne ou laotienne. Plongés dans la culture asiatique jusqu’au cou ! Adoptés par les locaux avenants qui ne connaissent pas les 35 heures, vivent de jour comme de nuit sur les trottoirs, assis sur des chaises en plastique pour enfants , s’entassent devant des ordinateurs alignés qui parlent anglais.
« Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la liberté. » écrivait Albert Camus en 1951. Cette troupe-là, va sortir de cette expérience enrichie de liberté et de culture. Citoyens du MONDE !
Xin Tchao Viet Nam !
« cam on », c’est merci. Je m’applique, souriante. J’évite de regarder les bestioles noires et rampantes qui se promènent sous les palettes… Tout est délicieux !!! La soirée s’étire, on rentre à pieds à l’hôtel tout proche 46-48 Haï Ba Trung Sreet. Il fait 35 ° . Il est minuit sous les étoiles de l’Asie. Des parfums, des bruits inconnus m’étourdissent . Les enchevêtrements de fils électriques me laissent perplexe. Comment font-ils lorsqu’il y a une panne ? Les motos continuent leur ronde insensée. Où vont-ils dans une ville qui ne dort jamais ?
Au fond du boulevard apparaissent quelques édifices coloniaux, la poste, de Gustave Eiffel la cathédrale Notre Dame, l’Opéra, à gauche, la rue Catinat, le Continental.
Quinze jours. J’ai vécu 15 jours à Saïgon. J’ai vu le palais de la Réunification, et celui de l’indépendance, le Lycée de Marguerite Duras, le musée de la guerre, j’ai fait prof d’histoire pour mon petits-fils parce que toute ces images d’épouvante, les bombes oranges, je les avais déjà vues . Il ne savait rien, a mesuré son ignorance. Pourquoi ? a-t-il dit .
J’ai aimé le Mékong et ses marchés flottants, j’ai tremblé dans les tunnels. Je n’ai pas fumé l’opium à Cholon comme dans l’Amant mais j’ai rencontré Notre Dame de Lourdes et la Vache -qui-rit, je me suis recueillie dans une pagode , fait brûler l’encens en offrande à Bouddha et déposer des fruits sur l’autel des ancêtres de l’hôtel et laisser des Dong entre deux boites de coca-cola Je suis montés au 28 ème étage du Chill Skybar et j’ai admiré le « diamant de l’Asie ». Je n’ai pas cessé d’être charmée par le parfum des tamariniers, je me suis régalée de la cuisine Viet si douce, j’ai transpiré sous mon chapeau conique, et sous un soleil de feu, revu les boats people sur la mer de Chine et cette petite fille brûlée qui court sur les routes en feu, je me suis enivrée des parfums des tamariniers et des bougainvilliers, je me suis faufilée dans les allées étroites du marché de Bën Tan et rafraîchie de mango-juices à volonté… j’ai raconté Da Nang et les Américains et Dien Bien Phu et
Et j’ai vu le soleil se lever sur le Mékong, le fleuve des neuf dragons.
Tam biet, c’est aurevoir !

« Mais ce qui a été vécu sera rêvé et ce qui a été rêvé sera revécu. » écrit François Cheng

Jacqueline

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J’ai su qu’il fallait y retourner, maintenant, là-bas, aux confins de tous les voyages, parce que les images revenaient m’habiter, empreintes d’une nostalgie croissante, lancinantes et tenaces.
J’ai revu, tantôt au fil décousu de rêveries, tantôt comme des irruptions saisissantes, les pierres brûlantes des murets dessinant d’antiques enclos épars avant d’aller s’accrocher sans ordre aux escarpements du rivage.
J’ai respiré le parfum épicé des pins et des herbes chauffées quand le jour d’été baisse et que l’on regagne sans hâte les rues blanches du village, jusqu’au port.
J’ai fermé les yeux pour mieux me perdre dans le balancement des barques, le reflet rouge et bleu des coques et les douces explosions du clapot.
J’ai laissé à leur repos la mer et les maisons de pêcheurs et, à mesure que je remontais, j’ai perçu les échos de la vie plus animée des venelles et des places autour de l’église.
J’ai parcouru les rues pentues, monté et descendu le labyrinthe d’escaliers grâce auquel on n’est ici jamais loin de rien ni de personne. J’ai retrouvé cette heureuse impression : tout se tient de si près que les murs enchevêtrés peints de la même chaux semblent défier les lois de la propriété. Ainsi encore des terrasses qui forçant partout leur place minuscule offrent à chacun leurs jarres vernies de vert et leurs oliviers.
J’ai eu envie d’un ouzo, à l’ombre du dôme turquoise, table et chaise tournées vers la rue et vers la mer au loin.
J’ai regardé longtemps le scintillement des derniers rayons sur cette Égée dont j’avais jadis étudié l’Histoire et aimé les légendes ; au début j’étais venue pour ça, bien sûr, pour cette culture approchée dans les livres, qui était une partie de moi.
Je me suis rappelé une phrase de Camus : « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude. » et j’ai souri à l’idée que si je pouvais ici marcher sur le port en pensant à Ulysse, j’aimais tout autant bavarder avec les pêcheurs qui y réparent leurs filets et manger leur poulpe grillé.
Et j’ai aimé que la culture des hommes soit d’abord tout ce qui fait leur vie chaque jour et les valeurs sur lesquelles ils la fondent. Un jeune Grec assis à une table voisine – et qui devait lire dans mes pensées - a levé son verre à cette victoire première de la liberté.

Antoinette
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J’ai vu cette annonce : « voyage en Irlande ». J’en rêve depuis longtemps. Parce que ce pays m’attire. Comme la Bretagne m’appelait autrefois, j’entends l’appel de l’Irlande aujourd’hui. Ses paysages sauvages me fascinent. On dirait que le temps n’a pas de prise sur cette grande île verte et venteuse, qu’elle est restée figée dans un temps immuable avec les ruines de ses châteaux qui racontent des histoires anciennes.
J’aimerais parcourir la chaussée des Géants, cette formation volcanique si particulière qu’on la croirait construite par la main de l’Homme et respirer le goût de la mer, sentir le vent âpre des vagues houleuses du haut des falaises herbeuses ; me perdre dans les landes légendaires ; passer mes mains sur les grandes pierres dressées qui témoignent des temps oubliés.
Je m’imagine me promenant dans une de ces villes aux façades colorées, poussant la porte d’un pub pour écouter le chant triste ou entraînant des Uilleann Pipes , des violons, des accordéons et le rythme du bodhran. Soirées joyeuses où l’on savoure d’être ensemble et les pintes de bière, qu’on en oublie la pluie au dehors.
J’aimerais m’acheter de la laine et tricoter un pull aux motifs compliqués pour me sentir bien au chaud en hiver.
J’aimerai bien aller en Irlande mais j’ai peur de tant aimer ce pays et de ne plus avoir envie de rentrer en Bretagne.

Françoise