Hors piste du Jour 55

lundi 25 mai 2020, par Frédérique Niobey

Écrire, c’est quand, là, devant le Mont par exemple, je ne trouve pas les mots, justement.

Devant moi, c’est le champ qui est déchaîné. Les herbes sont affolées par le vent. Je suis dans mon cocon. L’habitacle de ma voiture. Je vais en sortir. Bien couverte. Mais pour le moment, je nargue la tempête, à l’abri.
Les mots n’arrivent pas. Ou pas beaux, pas assez. Jamais assez pour dire ce que je vois et ce qui est au fond. C’est d’une telle grandeur que ça me dépasse et ça m’enveloppe toute entière.
Alors que l’herbe ne résiste pas. La montagne est imperturbable. Elle semble posée délicatement comme un nuage de mousse sur un lit de sucre cristallin. Une fine pellicule croustillante qui doit casser entre le pouce et l’index dès que l’on ne répond plus de rien.
J’ ai fait sonné mon réveil à minuit. Trois quart d’heure il m’a fallu. Sur la route, que des gros camions, lumières rouges ou phares blancs.
La nuit tous les chats sont gris, je le confirme. J’ai su que j’étais arrivée, mais rien ne ressemblais à mon souvenir... Et là j’hésite, je cherche le mot, j’ai un doute. C’est très souvent comme ça. Laborieux.....voilà j’ai eu confirmation, diurne, c’est ce que je pensais. Oui mais voilà. C’est un mot que je n’utilise jamais. Alors je doute et je vérifie.
Et je reprends
Rien ne ressemblait à mon souvenir diurne.
La nuit, seule le bas du Mont est éclairé, si bien qu’il avait la taille de tomblaine et c’était impossible vu que tomblaine est déserte.
Et cette bande de terre qui s’allonge sur la gauche, que du vert, que des arbres. Cette nuit, elle était éclairée de part en part. Je pouvais même voir une circulation de feux. Un va et vient de véhicules. On s’affaire pour la reprise, il n’y a pas de temps à perdre.
Cette partie de mon texte n’a pas peut être pas grand intérêt. En tout cas pour l’heure, ça n’est pas ça qui m’a fait prendre la plume.. L’index devrais je dire, je vais frôler la tendinite !
Non ce n’est pas ça. L’émotion m’a fait écrire. Pure. Et c’est de la triche, peut être, je ne sais pas.
La contrainte, la consigne, ça aussi ça fait écrire.
Mais ensuite on se laisse porter. On peut. Le cocon qu’est ma voiture est propice aux poèmes. Et puis parfois il faut savoir quitter la page parce que pour de vrai dans le vent et pour de vrai le souffle coupé, il faut le ressentir. Il faut sentir à quel point on fait partie du tout. De cette tempête qui bouscule l’univers.
Je vais aller me faire bousculer par le vent.

Françoise P.