Chronique de Stéphane

samedi 2 mai 2020, par Frédérique Niobey

Dimanche 26 avril 2020

Du soleil et quelques nuages, annonce la météo.
Petits coefficients des marées. Sainte Alida.
Ce printemps toujours sur le fil d’avril, tisse des liens par les mots, un ton dessous, un ton dessus.
On s’écrit davantage. Avec les anniversaires des filles d’avril, des enfants du printemps,
Ma soeur ainée souffle ses bougies, aujourd’hui. Le fil du temps laisse des traces sur les joues
de celles qui naissent dans les roses, la glycine, le lilas, ou les azalées mollis. C’est un dimanche printanier.
On a sorti les chaises et la table depuis quelques jours. Les tasses de café restent sur la petite table bleue.
Depuis le début mars, le jardin entreprend l’éclosion parfaite. Harmonisant les nuances de tous les mauves,
aux grappes de glycine. L’odeur avec la chaleur douce du soleil est un enchantement.
Concert d’oiseaux dans le noisetier du voisin, derrière le mur.
Le chat y semble attentif, posté sur le mur, il feint la sieste.
Le jeu de société étale ses cent deux lettres sur le plateau. Des voix se répondent et répandent leurs humeurs.
Les voisins jardinent depuis quelques jours, l’un agite la tondeuse, l’autre manie la tronçonneuse ;
Le maniaque du grand tas de bois, que j’aperçois par la fenêtre du haut, coupe, tape, tronçonne.
Il doit être sourd, cet homme là. Il fait son sport dans son jardin.
Les sons : pok pok pok rappellent le bruit de l’impact du volant sur la raquette,
tout cela se passe derrière le mur. Un jeune couple joue au badminton.
Au delà, au lointain dans le ciel, s’affolent les hirondelles, qu’on semble tout juste de découvrir.
On le sait qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, mais il nous semble qu’elles viennent tout juste d’arriver.

Lundi 27 avril 2020.

Dégradation orageuse. Sainte Zita.
Le passage du camion des éboueurs réveille la ville. Il annonce un début de semaine.
La pluie sur le vélux tombe dans la foulée.
Grand changement de temps.« Ne te découvre pas d’un fil » On le sait. Basculement.
Le glas résonne côté rue. On continue à mourir. ici comme ailleurs.
Comment savoir si ce défunt du lundi est mort de sa « belle mort » ? Quelle drôle d’expression !
Finit la foule sur le parvis. Plus de pétales de roses échappées, non plus.
On n’entend plus la musique de l’orgue, ni les chants. Mariages reportés.
Quelques fleurs de camélias roulent sous le portail vert. Le lilas rouille déjà.
L’orage monte, la perpective des champs si verts, vers la Mayenne, se réduit. Les fenêtres se ferment.
La cheminée du voisin a repris du service. Il a son stock de bois, bâché à cette heure.
Le chat dort en boule sur le canapé.
« Tenir bon jusqu’à la fin du confinement. »

Mardi 28 avril 2020

Temps instable avec averse et fraicheur.
Sainte Valérie.
Un temps long, douloureusement lent et long, d’un mois qui s’étire.
Le journal m’amène les infos du monde, le facteur, ses lettres.
Editorial et point de vue : Saurons-nous sortir de cette crise ?
Le véritable casse-tête de la reprise de l’école.
Le voisin a rangé ses outils.
Le bruit de la tronçonneuse s’est arrêté en même temps que cesse le bleu du ciel.
Les chaises pliantes sont rincées. les pâquerettes relèvent la tête blanche, du vert de la pelouse.
Tout colle au sol, les pétales lilas sur le carrelage.

Mercredi 29 avril 2020

Pluies copieuses.
Sainte Catherine de Sienne.
Mercredi d’ordinaire, c’est le jour des sorties de films. Reportées, plan Covid19 oblige.
Les fils d’avril tricotent en bleu et gris des rideaux de pluie.
Dans le journal : « Non au « ramollissement vestimentaire »
Les ondées traversent d’est en ouest le jardin d’un coin de mur du jardin jusque celui de l’église.
Les jours se suivent et se ressemblent…le soleil , hélas, nous quitte.
Nous étions-nous rendu compte de la chance de l’avoir eu vers nous depuis mi mars .
Il a paré nos jardins, aidé l’éclosion et l’explosion des couleurs, abricot, lilas, mauve glycine,
le jaune le rose le violet des azalées et rhododendrons.
les iris menacent, et les pivoines, adolescentes en boutons prometteurs de robes,
voile rosé, comme des joues de jeunes filles en fleur.
Les pâquerettes dans la pelouse attendent aussi leur coiffeur.
Les clochettes des jacinthes sauvages sèchent déjà et pensent,
et se projettent à l’année prochaine…
Où seront -nous pauvres mortels ?
On prend conscience, un peu plus , de notre fragilité, de notre précarité,
de notre insignifiante pesée dans l’espace…
Tout est relatif, comme disent certains !
Et à la fois, ces trésors qui s’offrent, proches de nous, à portée d’yeux…
Il suffit de les voir, les sentir, les approcher, s’arrêter, juste prendre le temps.
« Les clés du déconfinement »
Nous sommes chacun précieux au monde, et participons à notre faible échelle, à son éclat. Le croire.
Les petites gouttes d’eau insignifiantes participent aux grands rivières, à l’instar du colibri.

1 er mai / 3 mai

Pluie et soleil, températures davantage de saison.
Le macadam mouillé sèche rapidement entre deux averses.
Un ville de province et des rues désertes. Tout rappelle un mois d’aout.
Ils ne sont pas partis en vacances. Tu dis, ils confinent chez eux.
Une semaine aux deux dimanches, dans cette bouleversante période,
où les rituels nous calent des rendez-vous, petits tuteurs tatillons.
Ballets de parapluies, espacés, alibi canin. Tu t’autorises la sortie oxygénée.
Sortie autorisée. Pas au delà d’une heure.
Question des masques régulièrement déclinée.
L’ennemi invisible régresse à condition de respecter les règles d’hygiène et de confinement.
Pour le premier Mai les gens manifestent sur leur balcon, bruits de casseroles et chants révolutionnaires.
As-tu entendu les cloches de l’église ? Simplement les morts à enterrer. Aucun mariage à célébrer.
Le temps toujours file, et celui de la météo influence nos intérieurs. La lumière tombe du plafonnier.
On parle de la date de levée progressive, prudente du déconfinement.
Les voisins ont rangé le filet de Badminton. L’herbe est haute.
Tu dis : à toi de jouer.
Les cent (deux )lettres du Scrabble ne sont pas encore toutes sorties.
Le plateau se couvre de mots, certains rapportent gros : Averse. Fleurs. Zen. Paysage : triple et cinquante points en plus.
La France est découpée en zones , verte, rouge, orange. Il y a des mots. Des couleurs, et quelques chiffres.
Tu ne dois pas dépasser un périmètre de cent kilomètres.
La question de la réouverture des écoles ; des ordres et des contre-ordres divisent les classes politiques.
Il t’apprend le décès, à soixante dix ans, d’Idir.
Des larmes coulent. Elles viennent de loin.
Tu ignorais cet attachement vers lui.
Il te demande : pourquoi tu pleures ?
Tu revois, me dis-tu l’appareil à cassettes.
Le micro à la main et le refrain à tue-tête « A vava inouva ».
Tu es dans ta chambre d’adolescente.
Cigarette mentholée cachée dans ta soupente. Une année 1976, l’année de la première canicule.
Baby-sitting des petits cousins.
Vallée de Chevreuse. Ille aux moines. Des images d’été oisif, insouciant.
Sur ton journal, je lis : « C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » Victor Hugo.
Panser . Penser : plutôt que dépenser à tout va. Nous avons tout à y gagner.
Ré-inventons la sobriété et la solidarité. Tu penses à elle.
Tu me demandes, fais-tu des balades augmentée ? je te réponds : Juste pour poster des lettres jusqu’au centre de tri.
Tu rentres juste avant que sombre le soleil.
Tu m’écriras encore, il dit, même après la fin du grand confinement.
Sa voix s’éteint comme s’éclipse le soleil du soir, derrière l’église plein ouest.
Demain, saint Sylvain… Températures en hausse , s’il vint, le soleil sera de Mai, fait ce qu’il te plait.