Chronique d’Antoinette

mercredi 29 avril 2020, par Frédérique Niobey

Dimanche 26 avril,

Décidément, tout est étrange, étrange peut-être pas, disons particulier. Cet enfermement inédit et avril si beau, si tiède. Je regrette que mon bureau ne donne pas sur le jardin. J’aurais ouvert la fenêtre sur le lilas et l’arbre de Judée, sur le reposant camaïeu de leur rose-mauve entremêlé. Je le vois tout de même comme en filigrane tandis que je regarde la rue. Pas une âme dans le soleil de fin d’après-midi. C’est dimanche il faut dire, et le passage ici n’est pas celui de la promenade ; la rue amène aux commerces, la boulangerie dans le vent tout près, et juste après les supermarchés, la pharmacie. La pharmacie surtout et son gel et ses masques absents dont on signale le manque à l’entrée pour ne plus avoir à répéter. Mais les choses ont changé peut-être, ça fait des jours que je ne suis pas sortie, suffisamment occupée ici et sans besoins. Comme toujours la cour de la voisine d’en face est impeccable ; les jardinières alignent des couleurs vives et les fleurs bien nourries respirent la santé. Sans mystère, Mme L., soixante-quinze ans d’idées bien arrêtées et une obsession vertueuse de la propreté. Pas question que ce petit espace sur la rue montre la moindre négligence, d’autant que c’est aussi son poste régulier de bavarde impénitente. Elle respecte les consignes, bien sûr, mais aucun confinement ne peut tout de même faire qu’on laisse dépérir les fleurs ou tomber les conversations. Pas de Mme L. pourtant à cette heure du thé, reposante et aimable Mme L. avec ses marottes et ses certitudes, même si comme Anne Sylvestre « j’aime les gens qui doutent ». C’est vrai qu’ils ne manquent pas en ce moment, les gens qui doutent. De la veille, du jour et du lendemain. On pouvait croire le monde solide, son monde à soi du moins, qu’on ait ou non des raisons de s’y trouver bien. Et voilà que les contours s’effilochent, que les habitudes les plus simples se heurtent au rappel répété de leur éloignement. L’école dans la maison et le travail, ou pas, le tabac du coin fermé. On se plaignait du prix de l’essence et l’on s’inquiète, sans bien comprendre, que celui du pétrole puisse baisser jusqu’au-dessous de zéro. Je les vois passer depuis des semaines roulant leurs courses derrière eux ou chargés de sacs, chacun seul et pressé, sans les mots échangés, les rires ou les éclats de voix qui parfois en temps ordinaire me font sursauter tant mes portes et fenêtres sont au ras du trottoir. Il en est un pourtant qui n’a pas changé ses habitudes, en tout cas celles que je lui connais. Je sais seulement qu’il habite à cinq cents mètres à peine, dans la rue perpendiculaire qui quand on la descend mène à la boulangerie et quand on la monte aux usines de la zone industrielle. Il passe plusieurs fois par jour, souvent en tenue de travail, tout retraité de longue date qu’il est. Longue blouse grise ou bleue, tenue de jardinage avec bottes s’il pleut et parfois outillage, c’est selon. Le matin il porte le journal, quelquefois un panier l’après-midi ou en début de soirée. Et toujours il se hâte, vif et jovial, s’arrêtant volontiers pour parler par-dessus un portail ou à quelqu’un qu’il croise, même s’il s’agit de l’énigmatique voisine de Mme L. aussi peu orthodoxe que l’autre est rangée. Le monsieur à la blouse ne fait pas de discrimination. Un mot pour tous et le bout de la rue toujours comme objectif. J’ai découvert un jour par hasard, arrivant à pied de l’autre côté, qu’il se rendait chez cette femme élégante, passante régulière elle aussi, dont on sait au moins par conséquent qu’elle lit le quotidien local et ne cultive pas seule son jardin. Tiens d’ailleurs, voilà notre homme ressource qui arrive avec sa tondeuse. Pas le genre pourtant à embêter les voisins en faisant du bruit le dimanche. C’est pour demain peut-être, on a annoncé de la pluie bientôt, après tous ces jours aux allures d’été. Il anticipe l’acheminement de sa machine, plus tranquille ce soir dans le vide paisible de la rue. Quelle douceur en effet, qui me redonne à moi aussi des envies de jardin, de respirer l’ait tiède, d’arpenter la pelouse, de visiter les ancolies et les roses insoucieuses de l’assignation à demeure qui nous trouble tant.

Mardi 28 avril,

Fin d’après-midi aujourd’hui encore, mais frais et pluvieux, ce que nous n’avions pas connu depuis de nombreux jours : même spectacle, à ma fenêtre, de la rue privée de vie. Privée de vie, pas tout à fait pourtant puisqu’à l’instant comme pour me contredire une voiture passe. Assise à mon bureau je ne la vois pas, mais je l’entends. C’est un bruit presque insolite désormais, presque seulement parce qu’il fait tellement partie et depuis si longtemps de notre vie qu’il revient, pareil à lui même, comme une insertion immédiatement identifiable dans la page nouvelle d’un univers sonore réécrit par le confinement. Il faut bien qu’on roule tout de même, à certains moments, pour aller travailler quand on travaille encore, pour faire les courses si l’on habite loin ou si leur poids prévisible disqualifie les sacs à porter. Voilà cinq semaines pleines que la sentence est tombée. Rester chez soi, ne sortir que si c’est nécessaire – y compris à un besoin élémentaire de bouger – éviter les contacts. C’est étonnant d’entendre tellement de gens dire que finalement pour eux ça ne change pas grand-chose. Et on se dit qu’après tout oui, on le sait sans y penser, que l’on peut vivre ainsi en limitant les déplacements et les contacts à la stricte nécessité, à supposer que ce mot puisse avoir un sens univoque. Pas de famille à proximité, pas de liens, pas l’envie, plus l’âge, pas de ressources, on peut invoquer tant de raisons. Certains vous diront même, et après tout pourquoi pas, qu’ils aiment la solitude, qu’ils s’en sont fait presque une amie, une douce habitude. Pourquoi pas. Ne sommes-nous pas nombreux après tout, à privilégier l’entre-soi, la maison, casa dolce casa, comme centre ? Mme L. ou l’homme à la blouse, si ouverts qu’ils soient au contact de voisinage, mènent, à creuser un peu, une vie bien resserrée sur des fréquentations comptées et des habitudes immuables, que les circonstances n’ont pas changé. C’est en tout cas l’impression, peut-être trompeuse, qu’ils donnent, comme anciens de ce vieux quartier de maisons modestes aux jardins clos que leurs propriétaires occupent le plus souvent à vie. Le cadre de ma fenêtre ne me montre rien d’autre, sauf à l’arrière-plan, une fois traversé dans sa profondeur le jardin tout en long à gauche de chez Mme L, après un garage dont il faudrait aussi parler, une autre fois. Tout à l’arrière-plan, avant un dernier arbre et plus rien que le ciel, visible grâce à des quatre étages, on aperçoit un immeuble ; il appartient à un petit ensemble de HLM dont les plus proches bordent le bout de la rue, en face de chez la dame élégante aux journal et jardin. Je ne vois que le haut du pignon et en façade deux fenêtres du dernier étage, le reste étant masqué par l’oblique d’un toit. L’une des fenêtres est ouverte malgré la fraîcheur humide, signe probable d’un besoin d’espace et d’air. Que les injonctions du moment soient ici plus mal supportées et la privation de liberté porteuse de plus de sens amer, on le conçoit. Les pelouses et les beaux arbres entre les bâtiments n’offrent pas l’espace intime et protecteur des jardins privés alentour, si réduits soient-ils parfois. Alors on ouvre les fenêtres. Ou on sort. Pour répondre au corps qui s’insurge, par habitude de vivre avec d’autres, parce qu’on n’a ni les moyens ni la culture des placards pleins. Mais ce n’est plus l’heure, ou peut-être la pluie, si elle ne va pas jusqu’à faire fermer la fenêtre, n’invite-t-elle pas non plus à sortir. Juste au moment où je me dis que la météo ne devrait pas me priver en tout cas de mon ami à la blouse, le voici qui paraît, et en même temps que lui la voisine de Mme L . L’aurait-elle guetté pour arriver ainsi à son portail juste au moment de son passage ? Je ne peux pas le dire. Le garage qui jouxte l’allée à gauche me la dissimule et je n’en vois que les trois derniers mètres. Mais elle dit quelque chose, la voisine, ça j’en suis sûre, et M. Blouse s’arrête. C’est si près que je pourrais les entendre par le battant de ma fenêtre légèrement entrouvert. Mais ils parlent bas, ce qui n’est guère dans ses habitudes à lui. Elle, c’est différent, bien malin qui lui entreverrait des manières d’être immuables ou même un peu constantes. Et voilà qu’elle se penche, qu’elle tire le verrou du portail, que M. Blouse hésite, change de bras à son panier et finalement se glisse de biais entre le mur - mitoyen à une petite rampe devant le fameux garage et à l’allée de la dame -, et le portail juste entrouvert. Je les perds de vue tout de suite, mi-amusée, mi-intriguée. Quid des consignes, des gestes-barrières serinés depuis des semaines ? Le petit portail refermé se crispe dans son plastique blanc, sous la pluie, consterné.

1er mai

Le ciel est redevenu limpide mais un vent vif agite jusqu’aux feuilles des pommes de terre dans le jardin d’en face. Les jours allongent vite, il est 20h et la lumière est encore franche. Atmosphère de jour férié aujourd’hui, rythme particulier aussi, confinement ou pas. Je retrouve seulement mon bout de rue abandonné ce matin. 1er mai sans défilé, avec un peu partout des initiatives aux registres divers, comme ce concert d’ustensiles de cuisine improvisé dans une petite rue de quartier dont m’a parlé ma soeur au téléphone. Les clochettes du muguet tintaient de manière insolite cette année, dans le chamboulement du monde du travail et l’air qu’on a tout à coup de découvrir que tout le monde est utile et qu’il n’est pas indu de respecter ce que chacun donne à tous. Sur quoi s’étaient ordinairement nos convictions ? Marguerite Duras tout à l’heure parlant de son adhésion au PC vers la fin de la guerre disait qu’elle aurait dû savoir mais que c’était ainsi, le besoin plus fort de croire, l’élan de fraternité en guise de jugement. Et sans la défendre, elle expliquait du moins comprendre aussi la collaboration comme une même porte qui simplement se trouve ouverte dans des circonstances où le savoir et la raison ne nous gouvernent plus, plus assez du moins ou plus tout à fait. Un mouvement dehors me ramène à la rue. La voisine de Mme L. referme le portail derrière elle. Va-t-elle marcher un peu dans les derniers instants de cette belle lumière ? Étrange femme, installée là depuis trois ans peut-être et passée par toutes les apparences, tous les comportements diversement excentriques et quelquefois inquiétants. Elle reste sur le trottoir, les mains enfoncées dans les poches d’un long lainage bleu-gris et faisant de droite à gauche des pas dansants minuscules. Elle semble calme, maîtresse d’elle-même - ce qui n’a pas toujours été le cas - le casque de ses cheveux blancs long sur la nuque. Je l’ai souvent vue attendre ainsi qu’on vienne la chercher, rarement le même véhicule, rarement les mêmes personnes. Et voilà qu’arrive Monsieur Blouse, qu’elle a fait entrer chez elle l’autre soir. J’avais quitté mon bureau juste après l’avoir vu disparaître à sa suite dans l’allée et je n’avais rien su de son départ, ni du temps qu’il avait passé là. Ce matin il a porté le journal à la dame du bout de la rue et est repassé une heure plus tard avec sa tondeuse qu’il semble décidément ne faire circuler qu’en dehors des jours ouvrables. Peut-être aussi la tonte a-t-elle été retardée par les caprices du temps de ces derniers jours. Je m’étonne qu’il revienne à cette heure dans ce sens. Ce n’est pas conforme à l’habitude qu’il a de se replier en fin d’après-midi dans ses quartiers. Tôt sur le pont et tôt rentré. Il est là pourtant ce soir, balançant un sac de course au rythme énergique de sa marche. C’est lui que la drôle de dame attend. Il la salue de la main, s’arrête au mètre réglementaire cette fois, sort de son sac un appareil que je vois mal, un grille-pain dirait-on, qu’il manipule avec force explications. Sans doute une panne de l’engin était-elle très simplement à l’origine de la curieuse scène de l’autre jour. Les facultés omnitechniques de Monsieur B. n’avaient pas échappé à notre voisine, mal ancrée dans la vie ordinaire, mais ni fermée ni aveugle. Elle disparaît maintenant dans l’allée avec son appareil réparé. On ne voit pas sa petite maison, rescapée de l’ancienne cité d’urgence, que le garage conservé par le neveu de l’ancienne propriétaire isole complètement de la rue et des regards. Le portail est resté entrouvert et Monsieur B. ne s’en va pas. À son tour, il fait le pied de grue sur le trottoir, son sac à nouveau à bout de bras et encore gonflé de quelque chose qu’il s’efforce de tenir droit. Il s’appuie contre le mur, dans l’avancée du garage, l’air visiblement satisfait. L’image de l’atypique voisine est toujours là, dans l’attente où l’on est de son retour. Mon esprit flotte à nouveau dans cette vieille émission visionnée l’après-midi où Marguerite Duras répond à Bernard Pivot. La normalité, l’anormalité, la passion, la colère, le dénuement, les dérives, l’alcool… La drôle de dame qu’attend Monsieur B a beaucoup à voir avec ces questions, ces hasards de la vie, ces accidents. Pour lui il y a une vérité d’évidence, qu’il ne formule pas : rien de ce qui est ne peut ni ne doit être nié. Son chemin à lui est simple et droit. Il sait qu’il y en a d’autres, que parfois on choisit, parfois non. C’est comme ce virus qui est en train d’imposer sa loi, il prend des vies, il en abîme d’autres, il fait restreindre la liberté, oblige à des questions sur ce qui nous importe, ce qui nous meut et ce qu’il faudra changer. Il ne peut être nié même si, au sens fort, il nous dérange. Madame Drôle revient, le pas décidé, elle aussi un sac sous le bras. Elle ferme soigneusement le portail de sa main gantée. Monsieur B. a quitté l’abri du mur et tous les deux s’en vont vers le bout de la rue. À trois cents mètres, la femme élégante est sortie guetter. Ses cheveux privés de coiffeur s’ébouriffent dans le vent du soir.

3 mai

Mon volet s’est ouvert ce matin sur l’approche de l’aube. Dehors la rue attendait. Chaque forme finissait de redessiner ses contours, de s’y inscrire à nouveau pour les heures de lumière à venir. J’aurais aimé que se prolonge encore cette indécision, ce dernier frémissement des lignes vers le lisse du trait qui nous rend au matin le monde connu. Mais la dilution grise de la nuit s’est doucement teintée, uniformément d’abord puis touche après touche. Et tout a de nouveau été là. Il est bientôt midi maintenant et tu fredonnes doucement en parcourant les rayons de la bibliothèque, que tu sais pleine de tout un fatras d’ouvrages scolaires délaissés et de lectures adolescentes. Voilà plusieurs mois que tu n’y as pas fait ta moisson et tu farfouilles sans hâte, sûre de trouver ton bonheur, ciblé ou impromptu. Quand tu as sonné tout à l’heure j’ai cru redécouvrir un son oublié, presque disparu après le long isolement dans la pandémie. Il n’était pas neuf heures et j’ai sursauté au bruit bien que j’aie vu une silhouette à la porte en levant les yeux de mon journal. Une image quotidienne là aussi qui après tout ce temps m’a semblé insolite. Surprise ! as-tu clamé sous ton masque, et je devinais ton sourire, même si du strict point de vue des dispositions encore en vigueur tu n’avais pas à être là. Mais tu étais là, tu avais eu besoin d’un autre lieu et d’autres présences, tu étais arrivée sans encombres : débat inutile. Faire mousser du chocolat alors, comme tu l’as toujours aimé, dans la même tasse d’enfant dont tu as toujours envie malgré le temps qui a passé et les occasions tellement plus rares que tu as d’être ici à l’heure douce des petits-déjeuners. Tu as raconté l’étude devant l’écran, désincarnée mais qui laissait le temps disais-tu de creuser davantage quand le besoin ou la fantaisie t’en prenait, qui offrait aussi au contraire le loisir des survols parfois aux limites frondeuses de l’impasse. J’entendais s’avouer une réticence nouvelle à l’injonction scolaire et sentais le raidissement qui te prenait après ces années confiantes d’enfant à l’aise avec les mots, curieuse de tout ce qu’ils avaient à dire, à faire sentir, à expliquer. Tes doigts courent sur les livres pourtant, s’arrêtent, en ouvrent un, le feuillettent, le replacent dans les rayons. Là au moins tu es toujours chez toi. Quand tu viens t’asseoir face à moi, je te raconte la rue, le temps que je passe à regarder par la fenêtre quand je travaille à mon bureau. Tu t’amuses de l’histoire de Monsieur B. dont je suis depuis quelques jours les péripéties inédites. Tu te souviens qu’il avait toujours un mot gentil quand tu promenais ta poussette sur le trottoir ou peinais à garder l’équilibre sur tes nouveaux rollers. La dame au grille-pain ne te dit rien mais tu aimais bien la dame d’avant qui te faisait remonter l’allée avec elle jusqu’aux biscuits ou aux bonbons cachés dans son sanctuaire comme elle disait, et tu adorais ce mot que tu ne comprenais pas. Je te dis un peu la dame de maintenant et qu’elle ne voit sûrement rien de sacré dans ce lieu de hasard où elle loge comme elle peut ses problèmes. C’est un refuge tout de même dis-tu, où elle trouvera peut-être un point d’équilibre pour se reposer, poser un peu sa vie. Ainsi vois-tu ce que je t’ai raconté, et j’aime cet espoir dans lequel tu projettes la dame et le trio qui s’est formé sous mes yeux au fil des derniers jours. J’avais vu du fatalisme dans une certaine façon de vivre le confinement sans trouble, sans remise en cause d’un quotidien figé. Je m’étais trompée. Monsieur B et les deux femmes étaient sortis du cadre, avaient eu besoin de se rapprocher pour faire face. Depuis le soir où ils se sont retrouvés chez la dame élégante, c’est un va-et-vient changeant : un puis un autre vers le troisième, ou deux ensemble, ou les trois quittant une maison vers une autre. L’image de ce ballet te séduit et tu veux voir par toi-même. Tu quittes ton fauteuil pour la fenêtre devant mon bureau, et je ne vois plus rien que toi guettant la rue. Tiens, dis-tu, voilà la dame d’en face, celle qui nettoie tout le temps tu sais, elle vient à sa boîte aux lettres. C’est dimanche, non ? Il n’y a rien, bien sûr. Tu te prends au jeu du récit. Elle nettoie une jardinière maintenant, sa voisine sort juste et s’arrête pour lui parler. Elle abandonne ses fleurs, elle a l’air étonnée, elle sourit, elle s’approche. Elles parlent maintenant toutes les deux et voilà une autre dame qui traverse la rue pour les rejoindre. Tu la trouves bien habillée, celle-là, et maquillée. Elle porte un sac qui a l’air lourd, dis-tu, et l’autre dame prend une anse pour l’aider, elles vont partir. Là tu t’arrêtes, comme si tu n’étais plus sûre, comme si quelque chose était en suspens. Et puis tu reprends. Elles reviennent, elles ont fait quelques pas vers l’autre bout de la rue et tout de suite demi-tour. La dame d’en face allait juste reprendre son désherbage. Elles ont l’air de l’inviter. Oui, elle regarde sa montre, enlève son tablier et court chez elle. Tu te retournes vers moi le temps d’un clin d’oeil et retrouves aussitôt la fenêtre. Tu chantonnes à nouveau, tes longs cheveux balaient ton jean en cadence. La revoilà, cries-tu. Et le soleil aussi !