Jour 14 du Grand Confinement

mardi 31 mars 2020, par Frédérique Niobey

Aujourd’hui, on écrit EN CHAMBRE, une série de petits textes courts, chacun commençant par EN et finissant par CHAMBRE.

L’idée est venue en relisant une série de courts textes de Albane Gellé, extraits de Si je suis de ce monde, chez Cheyne éditeur, commençant chacun par TENIR et finissant par DEBOUT. Vous remarquerez qu’il n’y a pas de ponctuation, ce qui ouvre différentes possibilités de lectures. On tente nous aussi le sans ponctuation.

En dépliant le journal et le lit,
la chaise, le tabouret et tant d’autres pliures,
puis en les repliant bien précautionneusement
afin que tout rentre bien dans la chambre

En écoutant solennellement les arguments des uns et des autres,
il apparaît inopérant d’opposer a priori les pro et les anti chambre

En écoutant à travers la cloison mal insonorisée des envolées baroques de musique de chambre

En ne s’écoutant plus , en pédalant jusqu’à son dernier souffle
En gardant le rythme coûte que coûte jusqu’à plus du tout d’air dans la chambre

Caroline

En chemise de nuit je hante le jardin ciel encre de Chine étoile la chambre.

En ces moments énormes matinées de pompes squats transversent psoas major de chambre.

En rouge et noir confidence funky confidanse one step behind the chambre.

Geneviève G.

En chemin ce matin le vent comme partout siffle assourdissant le vent qui fait craquer les branches jusqu’à les arracher des arbres sur ma tête à failli se coucher la branche je passais dans sa chambre.

En pif en paf en pouf en poté en pâté dans l’pâté avec des cornichons des p’tits oignons du pinard et des pommes de terre en chambre.

En catastrophe j’apostrophe le mec et sa tablette du chocolat j’en vois partout sauf dans l’placard, dans la chambre, va voir dans la chambre !

En france en italie en espagne en angleterre au portugal en chine au japon en russie en australie en Afrique partout pour tous le drapeau d’une chambre.

En rire en pleurer pleurer de rire avec Desproges l’autre jour dans ma chambre.

En va bien voir
c’quon va voir faudra sortir pour défendre le bois la forêt la femme l’homme et l’enfant l’abeille ce qu’elle butine et ce qu’on a au ventre pour l’instant de la fenêtre de la chambre.

En gardant profond le ciel dans les yeux depuis le matin jusqu’à à la nuit tombée les étoiles du fond de mon lit s’invitent dans la chambre.

Françoise P.

En quarantaine se confiner marcher pas loin pour s‘aérer alors tenir dans le jardin le peaufiner et l’admirer et le gratter pas pouvoir planter fraisiers salades ou framboisiers y a des oiseaux un châtaignier dans le jardin alors c’est bien de la cuisine bien belle la vue regarde le sud la chance qu’elle soit au nord tournée la chambre .

En mon for intérieur pleurer tout bas vieillir matin chercher des phrases pour faire maison se déchirer tout doucement personne aux bords petit nuage dans le ciel bleu le coeur il va va et va pour la beauté lumière d’un air de Bach ou Nuit de Rameau dans le noir de la chambre.

En passant par la Lorraine un Alsacien Ivan Coroc prié pour moi prié pour toi et comme les pains multipliés tenues de combat de légionnaire bien couronné crâne pas rasé sans faire de bruit dans les poumons à peine posé explosion très beau sur la photo vite a su prendre la clé d’une chambre.

. JM

Ensorceler le confinement et tenir
la baguette magicienne de dame
fée touillant chaudron
marabouté dans sa secrète chambre

Enchantée du jardin ensoleillé en
primevères frissonnantes et des ombelles
parasol avec fièvre indolente pour sieste
en virginale chambre

Enfer et damnation se confiner encore je
suis chagrinée de tourner en rond
petit patapon comme chat en ligne
droite ou bigrement courbée reléguée
sans air dans cette maigre chambre

Envie de liberté de champ et de mains
libres aussi des coudées franches avec
une carte blanche inspirer à fond rentrer
dans chaste chambre

Roselyne

En partant fermer la porte
oublier un moment les tourments
les inquiétudes regarder le ciel bleu
les arbres au feuillage naissant vert tendre
plein de promesses admirer le chant des oiseaux
ne plus penser à la porte close de la chambre.

En tenant ta main tiède et douce
une nouvelle page s’est ouverte
une nouvelle histoire à écrire
un nouveau départ à prendre
et tu m’as guidé jusqu’à la chambre.

En écrivant la vie est plus douce
le temps moins pesant s’écoule
doucement les idées s’éclairent avec les mots
chercher le mot précis qui convient pour dire
les sentiments flous les ressentis profonds
ne plus avoir envie de quitter la chambre.

Françoise G

EN ce lundi glacé sibérien
du soleil des Carpates
jour de grand confinement
carbone 14
je garde le stylo les mots
copié-collé
et bien évidemment s’en sortir sans sortir
de (je garde) la CHAMBRE.

EN effeuillant les pages
et les années
des mots secrets
glissés caressés
aux replis de ta peau
se lovent inopinés
jusqu’aux alcôves de la
CHAMBRE.

EN dedans
confinés cocon-finés bien-finés
EN dehors
Emmitouflés en-masqués enveloppés
Seuls et ensemble
en CHAMBRE.

EN vélo secrètement au rythme d’un Boléro
de Ravel et d’une météo tornado d’embargo célestes
les chaines diffusent pignons sur rue
des vidéos des chants aux balcons
quelques poignées de chants d’amour
dignes de se retrouver immortalisées
photos épinglées
sur le mur de ma CHAMBRE.

ENvers eux tant de tendresse
des roulades de souvenirs
des poilades pince-sans rire
quelques maladresses j’en confesse
certains l’ont déjà consigné
écrit psalmodié un certain Monsieur X
tout au tour de sa CHAMBRE.

EN règle me demandent ils
de me plier aux règles
ils rigolent les fourbes
les Scapin et autres pantomimes
tout est théâtre hors les clous
tu t’écrases ils m’ont dit
oh grosses sueurs à la vue
des poings menaçants aie
longs cris dans la nuit
en sueurs levée d’un bond
je me suis cognée
à la porte de ma CHAMBRE.

Stéphane

En partant toujours trop vite
je l’ai laissé sur le chevet oublié
le livre là dans le train je le voudrais
lui là-bas ses mots lâchés
dans ma chambre

En mars c’était en mars
confinement d’abord haï
manque d’habitude
ils ont flotté puis repris pied
fouillé trouvé des pots fermés
eux aussi repeint la chambre

En somme c’était facile
à dire il avait beau jeu
à y regarder de près pourtant
il pouvait aussi la réserver lui
tout aussi bien la chambre

En moi c’était en moi
pas d’échappatoire pour le psy
en dernier recours appelé
à donner son avis
perspicace on espérait pas de virus
craché craché dans la chambre

En solo elle n’aimait pas trop
sans peur de rien seulement encline
à partager à jouer avec elle disait
mezza voce pourtant resserré le cercle
pas grand philharmonique l’orchestre
mais de chambre

Antoinette

En ce lundi, lendemain du jour maudit,
tête brumeuse, sommeil avorté,
volontiers je retournerais dans la chambre.

En vrai, sans rire, un rêve,
tout refaire, mieux, plus loin avec toi,
naître dans cette chambre.

En attendant , l’aube, le réveil, le rai de lumière,
cheveux ébouriffés,
sortir mes pieds de la chambre.

En été , en hiver, au printemps, en automne,
portes cochères, trottoirs mouillés, un banc,
le métro, plus chaud, moins froid,
dormir sans chambre.

En HLM , petit, lits doubles, frères, sœurs,
désordre, pousses-toi, cahiers déchirés,
livres par terre, linges sales, marre de ça,
je veux ma chambre.

En mars 2020 , virus, confinement,
bouges pas, restes ici, un mètre, un masque,
un kilomètre, une heure, un laissez passer, un contrôle,
tu dois rentrer dans ta chambre.

En(rhumer), rouge, yeux humides,
couette moelleuse dans la chambre.

En « Alexandre le bienheureux », saucisson, victuailles,
pompom mon chien,
extra je garde la chambre.

En 1965, début de moi,
2020 la fin de quoi ?
Encore voir, sortir de la chambre.

En parlant, en chantant, en mimant, en dansant, en lisant, en écrivant, en conversant, en marchant, en écoutant, en regardant, en vivant au-delà de la chambre

Laurence