Jour 10 du Grand Confinement

vendredi 27 mars 2020, par Frédérique Niobey

Aujourd’hui, intéressons-nous à Pierre Vinclair et à ses poèmes du Confinement.

Pierre Vinclair publie ses poèmes depuis Londres, à suivre sur son compte twitter @Paradoxes2.

On les lit et ON CAVIARDE !

Le sonnet de Pierre Vinclair

Mardi. 17/3/20. La France est confinée.
Je n’ai toujours pas lu Voyage autour de ma
chambre (Xavier de Maistre) et pendant que Noah
fait sa leçon d’anglais dans la salle à manger

(les i-e words (like like)), Clémence, au canapé,
télétravaille. Amaél joue sur un iPa
d. Et moi en attendant de retrouver mes cla
sses, je prends de l’élan et fais mes vers sonner,

(loi). Personne ne sait, à London, où tout con
tinue (c’est business as usual — Christine
Chia m’écrit : `UK government is playing dice

with citizen’s lives’) quand les autres se confine
ront — mais dès le CP, on sait que le mot `dice’
forme avec le mot `hide’ une unique leçon

CAVIARDAGES

toujours pas lu
en attendant personne
tout con
dès le CP
Antoinette

France confinée a lu Voyage autour de ma chambre (Xavier de Maistre)
Noah fait sa leçon,
Clémence télétravaille.
Amaél joue sur un iPad.
Et moi je fais mes vers sonner,
à London,
tout continue quand les autres se confinent.
Stéphane

Voyage autour de ma
chambre et dans la salle à manger.
En attendant ,
je prends de l’élan .
Et tout continue : government is playing dicewith citizen’s lives’)
Les autres se confineront avec le mot `hide’
JM

Le sonnet de Pierre Vinclair (Jour 5 )

« Trouvez dans la maison des objets d’intérieur
(crayon, Lego, assiette), et assemblez-les pour
former un être naturel (soleil ou fleur) »,
a demandé notre maîtresse en visio-cours.

Quelques mètres carrés : réduite, amaigrie, Londres !
et le poème aussi. Jadis un sucre d’orge
ontologique faisant l’être en bouche fondre,
il n’affirme plus que : « J’ai un chat dans la gorge. »

J’ai un chat dans la gorge. Et l’une de mes chers
collègues est peut-être infectée ; on a fait
de trois crayons une incroyable efflorescence,

pourquoi ne pas tenter, à la force du vers,
de transformer mon chat en tigre ? il rugirait
et te divertirait !- en attendant, Florence…

CAVIARDAGES

Trouvez l’être en bouche fondre,
un chat dans la gorge
fait une incroyable efflorescence,
pourquoi ne pas tenter de transformer mon chat en tigre
en attendant.
Laurence

la maison a demandé
quelques mètres carrés
amaigrie
faisant fondre un chat
et mes chers collègues
Incroyable efflorescence
à la force du tigre
Antoinette

La maison des objets
forme
le poème.
Il affirme,
chers collègues,
une incroyable efflorescence,
en attendant, Florence...
Stéphane

Deux sonnets de Pierre Vinclair, (Jour 6)

« C’est reparti comme en 40 ! En quarantaine !
Une guerre ! Une guerre ! Une guerre à la France !
Rationnement, marché noir et Résistance ! »
prévient le Général en direct à l’antenne…

Plutôt que de jouer au nouveau Capitaine
Alexandre engagé contre la pestilence,
je veux nouer à nos soucis l’insouciance
et le fou rire à l’élégie croquemitaine.

Dans un carré de vers, on fourre à peu près tout :
le décompte des morts, la blague de la toux —
il y faut se réjouir autant que s’y morfondre.

Une fois ficelé, ça marche comme un poste
T.S.F. pour tous ceux, cloitrés à l’avant-poste,
qui percevront Rire & chanson sous Radio-Londres.

……………

Après la journée de CP, je vais au coin
de mon petit salon, avec la poésie
de George Oppen (José Corti, trad. Yves di
Manno). Seul, confiné, je n’en touche pas moins

le dehors : un poème éclot, avec le soin
d’un scorpion déployant son telson dans la nuit
humide, un geste qui franchit la Manche aussi
palpable qu’un baiser tendre, qu’un coup de poing.

Tu es sans doute seule en ton appartement,
toi aussi. Je t’envoie quelques vers s’arrangeant
(comme pour tricoter, les aiguilles se croisent,

faisant voir un motif) dans la caresse douce
d’un geste d’enfant de six ans suçant son pouce
tout en faisant boucler tes cheveux noirs, Françoise.

CAVIARDAGES

C’est reparti,
une Guerre à la France prévient le Général,
le décompte des morts,
il faut se réjouir,
ça marche comme « rire et chanson ».
Après la journée, au coin de mon petit salon,
un poème éclot aussi palpable qu’un coup de poing.

Je t’envoie les aiguilles,
dans un geste faisant boucler tes cheveux noirs.
Laurence

une guerre une guerre
plutôt que de jouer
je veux nouer l’insouciance
et le fou rire croquemitaine
dans un carré de terre
on fourre des morts la blague
il faut s’y morfondre
une fois ficelé pour tous

au coin de la poésie
Yves confiné touche le dehors
poème dans la nuit humide
palpable sans doute aussi
quelques vers
comme pour tricoter un motif
caresse douce tout en cheveux noirs
Antoinette

En quarantaine l’antenne !
Plutôt jouer au capitaine croquemitaine !
Dans un carré la blague se réjouie,
Une fois ficelé, ça marche pour tous : Rire
Après je touche le dehors
Éclos dans la nuit
Un geste, un baiser tendre
Tu es la caresse douce de son pouce,
Roselyne

Reparti en direct jouer contre la pestilence,
l’insouciance et le fou rire à l’élégie croquemitaine.
Dans un carré des morts de la toux,
une fois ficelés comme tous ceux, cloitrés à l’avant-poste.
Après la journée au coin, la poésie, seule, confinée, touche le dehors,
le scorpion déployant un baiser tendre doute
Quelques vers se croisent, faisant boucler tes cheveux noirs
Caroline

Le sonnet de Pierre Vinclair (Jour 7)

à Marco & Alice
à Camille & Marco

Dans un vaste océan, ponctué de cratères
ébouriffés (frangipaniers, tiares, hibis
cus), le soleil mouillé par l’agréable pis
cine du lagon fait son Gauguin rouge vert.

Feuilletée façon chocolatine, la pierre
de cet autre pays s’hérisse en chardons, lis
des Pyrénées, pour voir l’eguzki (soleil) glis
ser, surfeur, à la crête de l’itsaso (mer).

Deux paradis ! Les gens vivent dehors ! En dieux
que ne peut infecter l’épidémie humaine —
jusqu’à tomber dans l’ambulance qui les mène

à l’hôpital où derrière un masque de sueur,
s’activent, courageux, mon semblable, mon vieux
frère, ma belle-sœur, mon beau-frère & ma sœur.

CAVIARDAGES

Frangipaniers, soleil mouillé, lagon vert,
cet autre pays pour voir deux paradis.
Les gens en Dieux dans l’ambulance, courageux.
Laurence

Dans un vaste océan
Le soleil fait son Gauguin
Façon chocolatine,
La pierre s’hérisse,
Pour voir la crête de l’itsaso,
Paradis !
Roselyne

Cratères
ébouriffés
soleil mouillé
Gauguin rouge vert.
Feuilletée façon chocolatine, à la crête
l’épidémie humaine —
mène
à l’hôpital
mon semblable, mon vieux
frère, ma belle-sœur, mon beau-frère & ma sœur.
JM

Dans un vaste cratère ébouriffé
mouillé par l’agréable lagon rouge vert
façon chardons à crête de paradis
Dehors dieux infectés,
épidémie humaine qui mène derrière un masque de sueur semblable
Caroline

Océan de cratères
hibiscus mouillé
lagon rouge vert
cet autre pays
surfeur sur la crête
de deux paradis
les gens vivent en dieux
l’épidémie humaine
derrière un masque
vieux
Antoinette

Le sonnet de Pierre Vinclair (jour 8)

Pourtant, la vie insiste au milieu de la panne
générale et je vois, insolent, le printemps
s’animer quand j’écris pour tuer tout ce temps
infécond, inutile, au fond de ma cabane,

dans ce petit bureau donnant sur le platane —
je pense aux éditeurs et aux intermittents,
aux libraires amis, aux autres commerçants
angoissés — à la rue que la porte condamne,

jusqu’à quand ? Jusqu’à quand ? C’est déjà quelque chose
ce rayon de soleil que le printemps dépose
sur nos joues ombragées. C’est moins qu’une promesse

impossible, moins qu’un discours réconfortant,
moins qu’un espoir : une saudade, une caresse
qui nous émeut — en attendant, en attendant.

CAVIARDAGES

La vie insiste, au milieu, le printemps pense aux angoissés
que la porte condamne. Déjà le printemps dépose une promesse, un espoir nous émeut,
en attendant.
Laurence

Je vois, insolent, le printemps s’animer,
Au fond de ma cabane
Donnant sur le platane
Je pense à ce rayon de soleil
que le printemps dépose,
Promesse, espoir, caresse,,,
Roselyne

Pourtant, au milieu
insolent, le printemps
infécond, inutile
le platane
la rue que la porte condamne,
jusqu’à quand ?
C’est moins qu’une promesse
un espoir , une caresse.
En attendant.
JM

vie de la panne voit le printemps tuer tout de ma cabane sur le platane
Aux intermittents, aux amis, aux autres angoissés que la porte condamne,
jusqu’à quand ce rayon de soleil que dépose nos promesses impossibles
un espoir, une caresse, en attendant…
Caroline

La vie insiste au milieu de la panne générale
et je vois, le printemps s’animer.
J’écris pour tuer tout ce temps
infécond, inutile, au fond de ma cabane,
dans ce petit bureau sur le platane
je pense aux libraires amis, angoissés
à la rue que la porte condamne.
Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand ?
C’est quelque chose
ce rayon de soleil que le printemps dépose
sur nos joues ombragées.
C’est une promesse, un espoir, une caresse
qui nous émeut, en attendant, en attendant.
Françoise Gouache

La vie insiste
et je vois insolent
s’animer le platane
la porte condamne
ce rayon de soleil
moins qu’une promesse
moins qu’un espoir
une caresse en attendant
Antoinette

Le sonnet de Pierre Vinclair (Jour 9)

Mardi tu pris ce chat dans la gorge. Tu fis
ces courbatures, cette toux, ces maux de tête.
Puis tout rentra dans l’ordre. À ta femme inquiète,
tu dis : Super ! du pouce, en t’envolant jeudi

avant de retrouver ces affres vendredi
guettant le souffle cou coupé, sur Internet.
Et samedi, pas dans ton auréole-assiette,
Tu attends le jour du seigneur que tu maudis.

Aujourd’hui, ça va mieux. — C’était probablement
ça, dit ta sœur docteur… — Oh ! Le pompon ! — Qu’importe !
demandes-tu, lecteur impatient, ça fait

quoi ? — Oh, mais rien ! Tu sais, nous ne passons du temps,
toi comme moi, des deux côtés de ce sonnet
qu’en attendant de pouvoir ouvrir notre porte.

CAVIARDAGES

Ce chat, ces courbatures, ces maux.
Inquiète, le souffle coupé, pas dans ton assiette,le jour du seigneur que tu maudis.
ça va mieux dit ta sœur : qu’importe, tu sais toi comme moi ouvrir notre porte.
Laurence

Mardi, ce chat !
Puis tout rentra dans l’ordre
En t’envolant jeudi,
Vendredi, le souffle,
Et samedi, dans ton auréole
Tu attends le jour du seigneur,
Aujourd’hui, le pompon !
Passons du temps, toi, moi
En attendant d’ouvrir notre porte,
Roselyne

courbatures, toux, maux de tête.
femme inquiète,
retrouver ces affres vendredi
souffle cou coupé
pas dans ton auréole-assiette .
Tu attends.
ça va mieux.
C’était ça ! Le pompon ! ça fait quoi ? Oh, mais rien !
Pouvoir ouvrir notre porte.
JM

Mardi
puis jeudi
avant vendredi
et samedi
jour du seigneur
qu’importe
aujourd’hui
nous passons le temps
en attendant
Antoinette